Le voici enfin ce DVD du Tour d’écrou selon Luc Bondy que le théâtre de la Monnaie a retouvé en avril dernier. La captation subtile de Vincent Bataillon saisit jusqu’au pouvoir de suggestion si particulier de cette mise en scène exemplaire, qui avec une simplicité de moyens visionnaire nous montre l’envers du décor.

L’envers de l’âme charmeuse de Quint, si sombre, si désespérée, l’envers des tourments de Miss Jessel, une meurtrière froide, acharnée sur sa proie mais qui dans la vraie vie est morte par amour, l’envers même des illusions de la Gouvernante, qui lutte contre elle-même et contre ses visions plus que pour sauver des enfants « totémisés ». Jamais on a été aussi profondément dans une nouvelle de James, avec une telle rigueur implacable et une telle économie d’effets.

L’adéquation entre la baguette de Daniel Harding et la conduction dramatique de Bondy ne laisse voir aucune couture. Même l’anglais « avec accent » de Mireille Delunsch ne gène plus autant. N’est-elle pas l’étrangère au manoir, après tout ? Les enfants sont terrifiants de véracité, et les spectres plus réels que la mort, prisonnier de leur lumière blanche dans leur fameuse scène en duo : impossible de trouver couple autant vampirisé que Marlin Miller et Marie McLaughlin. Et la Gouvernante d’Hanna Schaer demeure toujours aussi touchante.

Visionnez le DVD pour vous préparer au spectacle qui réinvestit le Théâtre des Champs-Elysées les semaines prochaines avant de retrouver son port d’attache, à Aix en Provence, où cette captation fut filmée.

Jean-Charles Hoffelé