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Le Trio Hélios joue Saint-Saëns, Ravel et Boulanger (Mirare) / Le Disque de la Semaine – D’un matin de printemps – Compte-rendu
Genre cher aux compositeurs germaniques, le trio avec piano a bien moins souvent attiré les créateurs de ce côté-ci du Rhin. Notre littérature n’en comporte pas moins de vrais bijoux, tel le Trio op. 18 de Camille Saint-Saëns, réalisation de jeunesse (1863-1864) et premier coup de maître de son auteur dans le domaine chambriste. Cette composition n’est certes pas une inconnue de l’amateur de musique française, mais n’occupe toutefois pas la place qu’elle mériterait dans les programmes. Une merveille pourtant, dont le Trio Hélios saisit l’esprit avec élan, naturel et sens des couleurs. On ne résiste pas une seule seconde à la spontanéité radieuse du premier Allegro, à la prégnance de l’Andante, dont les interprètes exploitent tout le potentiel narratif, à la course ailée du Scherzo, ou à la joie d’un finale resplendissant de l’exemplaire complicité entre les trois musiciens.
On ne pouvait imaginer meilleurs compagnie pour Saint-Saëns que le Trio en la mineur, ouvrage à propos duquel Ravel ne cacha pas avoir longuement médité l’exemple de l’Opus 18 d’un aîné particulièrement admiré. Le Trio Hélios en offre un lecture très personnelle : dès les premières mesures du Modéré initial, une chimie des timbres formidablement maîtrisée – et captée : bravo à Marie-Ange Carrez pour sa prise de son ! – installe une atmosphère pleine de mystère, que l’on retrouve dans la Passacaille, non moins prenante. Quant au Pantoum et au Final, par la richesse de leurs arrière-plans ils replacent tout autant l’œuvre dans sa perspective historique, au bord du précipice de l’été 1914 ...
Cette conception singulière et passionnante trouve un prolongement idéal dans D’un soir triste et D’un matin de printemps, deux pièces de Lili Boulanger (1893-1918) écrites un an avant la disparition cruellement précoce de celle qui avait été la première femme à obtenir le Prix de Rome en 1913. Sans pathos déplacé, les interprètes savent dessiner les ombres mouvantes et traduire le fatalisme de la première, avant d'explorer l'atmosphère, certes plus lumineuse, mais terriblement ambiguë, de la seconde. Un magnifique premier disque.
Alain Cochard
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