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​Le Trio Karénine à la salle Cortot (Streaming 15 mars) – Transfigurations romantiques

 

L’originalité des programmes discographiques est l’un point forts du Trio Karénine. Après un Chostakovitch-Weinberg-Dvorak et un Fauré-Ravel-Tailleferre, remarquables, les trois jeunes instrumentistes se distinguent une fois de plus avec un enregistrement réunissant Liszt, Schumann et Schoenberg (chez Mirare, comme les précédents). Ces trois noms sont certes connus des mélomanes, mais toute la singularité du projet qui se concrétise ici tient à ce que l’on a uniquement affaire à des transcriptions. A une auto-transcription même s’agissant de Liszt. Tristia est en effet l’arrangement tardif (1880) que le compositeur offrit de Vallée d’Obermann, pièce incluse dans la Première Année de Pèlerinage La Suisse (le n° 6 d’un cahier publié en 1855). Une introduction idéale – menée avec un superbe frémissement romantique !  – à un album qui se poursuit avec les Six Pièces en forme de canon op. 56 de Schumann.
De cette composition imaginée par le compositeur allemand pour piano à pédalier en 1845, Bizet réalisa un quatre mains, avant que Claude Debussy n’en offre une version pour deux pianos. Grâce aux Karénine, on découvre qu’il en existe aussi une pour trio, signée du compositeur et organiste Theodor Kirchner (1823-1903). Contrepoint ? « Superposition heureuse des lignes mélodiques », écrit le compositeur Benoît Menut dans son texte de présentation de l’enregistrement. On reprend volontiers cette jolie définition pour décrire la sensation procurée par l’interprétation des Karénine, merveilleuse d’intensité dans la conversation musicale, de simplicité – heureuse, vraiment – et d’imagination poétique.

Ces qualités s’expriment tout autant dans l’étonnante transcription qu’Eduard Steuermann (1892-1964) – pianiste qui prit part à la création du Pierrot lunaire le 16 octobre 1912 à Berlin – laisse de la Nuit transfigurée de Schoenberg. Si la perspective de l’entrée du piano dans l’univers si intrinsèquement associé aux cordes de cette partition vous laisse dubitatif, passez outre vos réticences et faites la découverte d’une transcription passionnante, et fidèle aux prégnantes atmosphères de l’original !  Ce d’autant que les Karénine s’y engagent de la plus fervente façon et en soignent avec art les coloris troublants.

Pareille sortie discographique méritait qu’on la marquât d’un concert ; il se déroulera en streaming direct de la salle Cortot, le 15 mars à 19h, sur la très active plateforme Recithall.  Ce rendez offrira aussi l’occasion de découvrir le Trio Karénine dans son nouvel effectif – ainsi va la vie des formations de chambre ... La violoniste Fanny Robilliard a décidé de voguer vers de nouvelles aventures et c’est désormais Charlotte Julliard que l’on entendra aux côtés de Louis Rodde et de Paloma Kouider. Pour ce premier concert dans leur nouvelle configuration (photo), les Karénine se montrent une fois de plus fidèles à l’équilibre entre le célèbre et le rare qu’ils affectionnent tant : le fameux Trio Hob. XV/25 de Haydn ouvre le programme, suivi de la Kammersonate de Henze et, pour conclure, du Trio n° 3 en fa mineur op. 65 de Dvorak, vaste et redoutable composition à laquelle peu de formations osent se frotter. Beau défi pour nos trois interprètes !
 
Alain Cochard

Trio Karénine
Œuvres de Haydn, Henze et Dvorak
15 mars 2021 – 19h
Paris – Salle Cortot
En streaming sur : www.recithall.com/events/274?v_id=12816%7C557969
 
Photos © Lyodoh Kaneko

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