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Le Trouvère aux Chorégies d’Orange – Equilibre et lisibilité

Le Trouvère est l’un des opéras fétiches des Chorégies d’Orange et son succès ne se dément pas. Familier des lieux, Charles Roubaud connaît le mur d’Orange comme personne : il sait jouer habilement des contraintes du plein air dans une mise en scène efficace, à la tonalité sombre, qui utilise avec bonheur toutes les ressources de la vidéo de Camille Lebourges (projection de superbes feuillages animés soulevés par un vent virtuel, façade plus vraie que nature d’une abbaye gothique …). Les scènes de foule sont maîtrisées au cordeau dans un suggestif étagement de deux plans (entrée d’Azucena, magnifique scène des religieuses au second tableau du II). Classicisme d’ensemble de la direction d’acteur et costumes en blanc et noir de Katia Duflot qui apportent une lisibilité supplémentaire au spectacle.
 

© Gromelles
 
Toujours aussi adulé du public d’Orange, à la fois chevaleresque et voyou en Manrico, Roberto Alagna peut donner libre cours à toute sa vocalité, à sa clarté d’élocution et à son exaltation au premier degré sans jamais perdre de son pouvoir d’empathie, même si le timbre n’a plus le caractère vif-argent de sa précédente incarnation (en 2007). Le Conte de Luna de George Petean impose sa stature physique et sa richesse vocale dans chacune de ses interventions, toutes empreintes de noblesse (remarquable « Il balen del suo sorriso »). Les femmes forment un duo très contrasté : à l’Azucena théâtrale de Marie-Nicole Lemieux, voix puissante et présence dramatique mais au vibrato un peu excessif, répond la Leonora de Hui He aux superbes sons filés et à l’émotion intériorisée (Miserere). La soprano chinoise donne de son personnage une vision assez éthérée qui séduit par son caractère impalpable sans toujours convaincre sur le plan de la sensualité. Seconds rôles bien distribués, en particulier le Ferrando de Nicolas Testé, basse profonde et d’une réelle autorité.
 
Bertrand de Billy, en chef d’opéra expérimenté, sait conduite la progression dramatique. Soucieux d’épauler les chanteurs, il ne réussit pas toujours à pousser l’Orchestre National dans ses retranchements, mais sa direction fluide s’avère toujours propice à l’équilibre entre plateau et fosse, attachant du prix à la subtilité des couleurs - qualité louable ô combien dans le plein air d’Orange. Les forces des Chœurs de l’Opéra Grand Avignon et de l’Opéra de Toulon Provence-Méditerranée ajoutent par leur homogénéité et leur engagement au succès du spectacle. Longue ovation du public, qui ne sait pas encore que Roberto Alagna vient de se produire pour la dernière fois sur cette scène légendaire où il a fait sa première apparition en 1993 dans la Traviata.
 
Michel Le Naour
 
Verdi : Le Trouvère, Orange, Théâtre antique, 4 août 2015
 
Photo (M.-N. Lemieux et R. Alagna) © Abadie

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