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Le Vaisseau fantôme à l'Opéra de Massy – Quatre sur six, on tient le bon bout – Compte-rendu

 

Deux chanteurs français dans les deux rôles principaux, deux autres dans des rôles secondaires, dans un opéra à six personnages solistes : les représentations du Vaisseau fantôme viennent confirmer l’excellente santé de l’école de chant français qui, contre vents et marées, reste capable de produire des artistes de premier plan, aptes à tenir les rôles les plus exigeants du répertoire lyrique. Mais évidemment, ce n’est pas tout, et à la réussite de cette production contribuent aussi d’autres forces. D’une part, le chœur d’Angers Nantes Opéra (associé à celui de l’Opéra de Massy) dirigé par Xavier Ribes, qui apporte avec brio sa contribution essentielle dans une œuvre où la foule est régulièrement sollicitée ; d’autre part, l’Orchestre national d’Ile-de-France qui prouve dans la fosse de l’Opéra de Massy qu’il est aujourd’hui l’une de nos meilleures formations. Dès l’ouverture, la direction précise et nerveuse de Case Scaglione sait aussi bien déchaîner les embruns que faire entendre les détails les plus fins de la partition : la tempête souffle, certes, mais cela n’empêche en rien les instrumentistes de ciseler délicatement leurs interventions moins tonitruantes, pour une lecture tout à la fois efficace sur le plan dramatique et apte à satisfaire les oreilles les plus exigeantes.
 

© Eric Chadaillac
 
On ne s’attardera guère sur la production importée de Marseille, où elle a été créée en 2015. Charles Roubaud illustre sagement la partition, dans un décor utilisant beaucoup la vidéo pour créer une atmosphère maritime sans nier la théâtralité du procédé : la mer plus ou moins agitée qu’on voit sur le film projeté en fond de scène est très visiblement une mer de tissu. La métamorphose de l’énorme rocher en navire du Hollandais est assez réussie, mais le revers de la médaille est que cette forme gigantesque reste sur le plateau tout au long de l’œuvre, notamment au deuxième acte où l’on s’explique bien plus difficilement la présence de cet encombrant monolithe, sorte de bunker rouillé devant la maison de Daland. Lors de la rédemption, Senta se couchera simplement au sol, tandis qu’une houle en furie est projetée sur tout le bas de la scène.
 

© François Pinson
 
Même s’il n’a pas les graves caverneux auxquels nous ont habitués certains titulaires, Mischa Schelomianski est un solide Daland, jamais caricatural, tandis qu’Ewandro Stenzowski profite au maximum des deux apparitions d’Erik. Christophe Berry est un Pilote à la voix plus corsée qu’on n’en entend souvent, et Marie-Ange Todorovitch impose d’emblée la Mary pleine de caractère qu’elle était déjà à Marseille en 2015.
Ce n’est pas d’hier que Nicolas Cavallier (photo) fréquente le répertoire wagnérien. On a pu l’applaudir en roi Henri de Lohengrin à Saint-Etienne en 2017, et ses premiers pas dans le Vaisseau fantôme remontent à 2007 à Dijon. Quelques années plus tard, le chanteur peut s’appuyer sur une expérience accrue et une richesse de timbre restée intacte pour camper un Hollandais admirable de mordant. Il est à souhaiter que les directeurs de théâtre mesurent ce potentiel encore trop peu exploité.
 

© Case Scaglione

L’injustice est aussi flagrante en ce qui concerne Catherine Hunold (photo), dont on ne comprend pas pourquoi on ne l’entend pas partout dans les rôles wagnériens. Bien que peu aidée par un costume qui cherche à faire d’elle une petite fille (au milieu des gamineries imposées au chœur des fileuses), sa Senta brûle les planches tant par la puissance que par le raffinement de son chant, qualités sensibles dès la Ballade et qui se confirment tout au long de la représentation. Bien des rôles d’opéra français ont trouvé en elle une titulaire idéale, mais après une inoubliable Ortrud, Catherine Hunold mérite aussi d’être à nouveau l’Isolde qu’elle n’a juste qu’ici pu être qu’à Prague. Espérons que ce sera la prochaine étape de son beau parcours.
 

Laurent Bury

Wagner : Le Vaisseau fantôme – Massy, Opéra, 12 novembre ; prochaine représentation le 14 novembre 2021 (16h) / bit.ly/31S61s9

Photo © Eric Chadaillac 

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