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Le Voyage à Reims au Festival Rossini de Pesaro 2024 – Gala de clôture haute-couture – Compte-rendu
Quarante ans après la résurrection in loco du Viaggio a Reims, le Rossini Opera Festival a souhaité rendre hommage aux artistes sans qui ce retour en grâce n’aurait pas eu lieu, à savoir les inoubliables Claudio Abbado et Luca Ronconi. Succédant à la traditionnelle production confiée aux élèves de l’Accademia Rossiniana, une soirée de gala à l’Auditorium Scavolini rassemblait chanteurs chevronnés ou en passe de le devenir. L’œuvre (de 1825) est un exercice de style purement rossinien, à mi-chemin entre l’opéra et la cantate où les numéros vocaux se suivent, arie à la virtuosité débridée, duos et ensembles ayant été écrits pour galvaniser le public.
© Amati Bacciardi
Si Jessica Pratt, Karine Deshayes (photo à dr.), Dmitry Korchak et Nicola Alaimo ne sont plus à présenter, ceux-ci disposant de leur rond de serviettes à la table du festival, ce concert a permis de découvrir plusieurs interprètes prometteurs et en premier lieu Vasilisa Berzhanskaya étrange voix aux larges possibilités, flexible et raffinée dans le rôle élégiaque de la poétesse Corinna, autrefois défendu par Cecilia Gasdia, Patrizia Ciofi ou Inva Mula. Plus mezzo que soprano la cantatrice russe triomphe dans cet emploi grâce à une ligne aux transparences éthérées, à la qualité de son phrasé et à une longueur de souffle éblouissante.
Nicola Alaimo (Barone di Trombonok) © Amati Bacciardi
Le ténor américain Jack Swanson (Belfiore) apparie son bel instrument à celui de sa collègue pendant le long duo du second acte où chacun d’eux fait preuve d’une éclatante vélocité et d’une belle cohésion de timbres. Michael Mofidian pourrait être, s’il poursuit cette voie et consolide la sureté de son aigu, un épigone de l’irremplaçable Samuel Ramey, son Lord Sydney étant à deux doigts de procurer le grand frisson rossinien.
A côté de cette trépidante génération montante nous retrouvons avec plaisir l’ébouriffant Conte di Libenskof de Dmitri Korchak - qui venait de remporter un vif succès en Contareno dans Bianca e Falliero – voix désormais musculeuse de baritenore certes, mais capable de toutes les nuances comme l’a confirmé son magnifique duo face à la Marchesa Melibea voluptueusement engagée de Maria Barakova (photo à g.).
Vasilisa Berzhanskaya (Corinna) & Jeffrey Swanson (Belfiore)
Invitée désormais avec régularité, Karine Deshayes curieusement distribuée en Madama Cortese, rôle tenu par Ricciarelli, Caballé et Anderson (à Monte-Carlo en 2005), semble ici quelque peu sous-employée, mais la vitesse de ses vocalises et la vigueur de son aigu font tout de même plaisir à entendre. Jessica Pratt, qui venait d’interpréter sur ce même plateau Bianca dans une série de six représentations, n’est pas parue au meilleur de sa forme, mais cet emploi court et décoratif de Mme Folleville ne lui pose pas de difficulté majeure et sa cabalette conclue par un beau mi bémol a comme de juste fait son effet ; il manquait sans doute à son interprétation ce grain de folie que d’autres avant elle avaient su instiller.
Diego Matheuz © Amati Bacciardi
Fidèle à lui-même, sympathique et fédérateur, Erwin Schrott s’amuse et nous divertit en Don Profondo dont il maîtrise la syntaxe. On aime sans modération le numéro de maître de cérémonie de Nicola Alaimo (Barone di Trombonok) et le bel instrument de Vito Priante (Don Alvaro), ainsi que les comprimari discrets, le chœur de belle tenue du Teatro Ventidio Basso et l’Orchestre symphonique national de la Rai, discipliné et adroitement expressif, conduit par le solide Diego Matheuz.
François Lesueur
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Rossini : Il Viaggio à Reims (version de concert) – Pesaro, Auditorium Scavolini, 23 août 2024
Photo © Amati Bacciardi
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