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L’Enfance du Christ sous la direction de Paul McCreesh au Festival Berlioz 2024 – Prophétique – Compte-rendu
Berlioz n’a pas été prophète en son pays. Mais il aura connu le succès hors de France, en Allemagne, à Londres, en Russie... C’est donc une thématique bienvenue que celle du dernier Festival Berlioz, intitulé « Une jeunesse européenne », qui associe différentes formations musicales venues d’Europe.
L’Enfance du Christ (1850) fait toutefois exception dans la carrière de Berlioz, bien accueillie à Paris (comme à Weimar, Bruxelles, Gotha et Strasbourg). Pour ce concert-clef, le seul avec une grande œuvre de Berlioz, le festival a ainsi réuni les Chœur et Orchestre polonais du NFM (Forum national de musique) de Wroclaw et une distribution de chanteurs britanniques, le tout sous la direction de Paul McCreesh (photo). Une équipe d’interprètes européens donc, comme il se doit pour la thématique annoncée et comme de juste en regard de la renommée européenne du musicien.
Et l’ensemble convainc. On pouvait redouter une défaillance dans la diction du chant. Il n’en est rien : les solistes aussi bien que le chœur témoignent d’une élocution parfaite ! Il est vrai que les choristes ont été préparés par Lionel Sow (unique Français parmi les noms de la distribution), depuis octobre 2021 à la direction artistique de la formation polonaise, en sus de celle du Chœur de Radio France. Si les solistes offrent une excellente prononciation, y compris pour les deux brefs intervenants Polydorus et le Centurion issus ponctuellement du chœur (Pawel Zdebski et Michal Pytlewski), ce n’est pas au détriment d’un chant bien mené et lancé.
Laurence Kilsby distille son importante partie du Récitant, d’un timbre de ténor magnifiquement phrasé jusqu’au diaphane dans son sublime et ultime arioso. Le baryton Ashley Riches incarne pour sa part un Père de famille d’une ardeur souveraine pour ses interventions finales. La mezzo Anna Stephany et le baryton Benjamin Appl s’assemblent parfaitement pour Marie et Joseph. Neal Davies serait quant à lui un baryton-basse un peu trop léger pour le rôle perturbé du roi romain Hérode, mais d’une voix bien posée.
Le chœur s’élance avec justesse, aussi bien dans les moments élégiaques que dans ceux d’ardeur, y compris pour les parties en coulisse (stipulées par la partition). L’orchestre, en petite formation comme il se doit, après de tout premiers moments incertains (dus aussi à l’acoustique du lieu), montre autant de précision que de subtilité dans les coloris, Paul McCreesh dirigeant d’une battue soutenue une œuvre qu’il maîtrise absolument. À nouveau un chef anglais venu du baroque et très à son affaire dans Berlioz !
L’émotion est ainsi de la partie, dans l’auditorium provisoire de la cour du château de La Côte-Saint-André, face à un public lourd d’attention. Et quand en quasi fin sont lancés ces mots du Père de famille : « Les enfants d’Ismaël sont frères de ceux d’Israël », on y entend comme la plus vibrante des prophéties par les temps malheureux qui courent.
Pierre-René Serna
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Auditorium provisoire du château de La Côte-Saint-André, 30 août 2024
Photo © Festival Berlioz / Bruno Moussier
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