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Les 100 ans du Trio de Ravel à la Salle Gaveau – Un chef-d’œuvre en perspective – Compte-rendu

Lieu emblématique de la musique classique tout au long du XXe siècle, la Salle Gaveau a vécu de nombreux événements marquants dont la création du Trio de Maurice Ravel, le 28 janvier 1915. Plusieurs musiciens de talent se sont réunis pour commémorer les cent ans de ce chef-d’œuvre de la maturité du compositeur français. La comédienne Marie-Christine Barrault assure avec esprit la lecture d’un bouquet de lettres adressées par Ravel en pleine Première Guerre mondiale à différents interlocuteurs où s’expriment une absence de préjugés et une ironie douce-amère dans une période de nationalisme exacerbé.

Le programme alterne des œuvres de Ravel et de ses contemporains Louis Aubert et Alfredo Casella (qui tenait la partie de piano lors de la création du Trio). François Dumont ouvre le ban par une exécution ferme et expressive des Valses nobles et sentimentales, instillant ensuite fluidité et mélancolie légère au Tombeau de Couperin (1917), hommage à six amis tombés au front. Les extraits du triptyque Sillages (1913) de Louis Aubert – qui fut on s’en souvient le pianiste de la création, anonyme, des Valses nobles en 1911 - témoignent, sous les doigts subtils et arachnéens de Denis Pascal, du degré de raffinement d'un auteur injustement oublié.

Prétexte à cette soirée monothématique, le Trio en la mineur de Ravel trouve, en Svetlin Roussev (violon), Denis Pascal (piano) et le jeune Aurélien Pascal (violoncelle), des musiciens sachant conjuguer tourments de l’âme, poésie, rythmique implacable dans un dialogue fraternel où l’intimité le dispute aux élans fougueux. Deux pièces d’Alfredo Casella, dont Pagine di guerra op. 25 (1915) pour piano à quatre mains, laissent planer dans la conception très intériorisée de Michel Béroff et Marie-Josèphe Jude un sentiment de désolation rappelant l’univers d’En blanc et noir de Debussy. A deux claviers, les mêmes solistes rivalisent d’énergie, voire de fracas dans la célèbre Valse entraînée par une pulsation implacable jusqu’au climax final, ce qui soulève spontanément l’enthousiasme d’un public nombreux et fervent.
 
 Michel Le Naour
 
Paris, Salle Gaveau, 28 janvier 2015

Photo © DR

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