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Les 50 ans des Percussions de Strasbourg - Un demi-siècle au présent - Une interview de Jean-Paul Bernard, directeur artistique
Indissociables de la vie musicale contemporaine depuis le début de la décennie 1960, les Percussions de Strasbourg ont fêté cette année leur 50ème anniversaire. Dans la riche actualité de la formation (1) figurait la création de Limbus-Limbo de Stefano Gervasoni (né en 1962), en septembre dernier dans le cadre du Festival Musica. L’ «Apéro bouffe en sept scènes» du compositeur italien est repris pour une unique représentation, le 4 décembre (2), sur la scène de l’Opéra Comique, avant de faire halte, le 15, à l’Opéra de Reims(3). Concertclassic en a profité pour interroger Jean-Paul Bernard (photo, 2ème en partant de la gauche), directeur artistique de l’ensemble alsacien.
Quels sentiments vous animent lorsque vous considérez les cinq décennies d’existence d’une formation dont vous êtes membre depuis 1986 et directeur artistique depuis 1998 ?
Jean-Paul Bernard : Quand je suis arrivé dans l’ensemble, j’ai joué pendant quelques années aux côtés de trois des membres fondateurs. On se laissait porter par la personnalité de ces gens dont l’expérience remontait vingt-cinq ans en arrière. Ils avaient connu un autre public ; celui de leur génération dirais-je. J’éprouve une certaine nostalgie en me souvenant de l’époque de mes débuts. La société a beaucoup bougé depuis ; on ne parlait par d’internet il y a vingt-cinq ans. Comme la société a changé, les rapports à la musique on évolué aussi.
Cinquante ans de Percussions de Strasbourg… Il faut se souvenir du contexte dans lequel le groupe est né : pas ou pratiquement pas de répertoire pour percussions, aucun groupe de percussions professionnel dans le monde ; nous avons été les premiers… Cinquante plus tard, plus de 200 œuvres ont été composées pour notre groupe.
Quel bilan dressez-vous sur ce plan ?
J.-P. B. : Cet anniversaire est l’occasion d’établir une forme d’inventaire : certaines partitions sont devenues des œuvres « du répertoire ». Lors de sa création Erewhon de Dufourt a constitué un tremblement de terre par son caractère novateur ; aujourd’hui quand nous donnons cette œuvre, j’ai l’impression de jouer une partition de Beethoven. A côté des ces œuvres qui sont entrées dans le répertoire, d’autres ont été oubliées ou presque oubliées mais ont été à mon sens absolument nécessaires à l’évolution de la musique pour percussions. Je songe par exemple aux Huit Inventions (1962-1963) de Kabelac (1908- 1979), qui – les membres fondateurs me l’ont raconté – avaient requis une soixantaine de répétitions ! En leur temps, ces pièces ont fait le tour du monde.
Depuis cinquante ans, les membres des Percussions de Strasbourg ne se sont jamais mis en avant et ont toujours œuvré pour les compositeurs, bâtissant un répertoire au fil des ans. Les compositeurs d’aujourd’hui sont très différents de ceux avec lesquels le groupe a autrefois travaillé. C’est lié à l’évolution de la société, aux innovations technologiques. Les compositeurs d’aujourd’hui sont ceux de la génération internet ; il est normal pour eux d’aller se connecter à toutes les formes d’art ; de travailler avec de la vidéo, de l’électronique, avec le théâtre.
Quels sont les œuvres que vous donnez à l’occasion de votre tournée d’anniversaire ?
J.P. B. : Nous avons beaucoup axé les choses sur la création de Limbus-Limbo, un gros projet que nous a pris presque un an de répétition, de mise en place. Ce projet aura eu l’intérêt d’ouvrir les portes de lieux où la musique contemporaine n’est pas très présente. Nous avons certes commencé par le Festival Musica et nous le présenterons en 2013 à la Biennale de Salzbourg ou à Hanovre, mais Limbus-Limbo est aussi donné cette année à l’Opéra Comique et à l’Opéra de Reims.
Cette année anniversaire aura par ailleurs été marquée par diverses expériences telles que ce concert, dans le cadre du Festival Jazzdor à Strasbourg, où nous partageons la scène avec le MegaOctet d’Andy Emler (4) : c’est là l’occasion de toucher un public différent, qui ne serait peut-être pas venu à une soirée de musique contemporaine.
Quels sont vos projets d’avenir ?
J.P. B. : Nous avons notamment passé une nouvelle commande à Hugues Dufourt, qui avait écrit pour nous entre 1972 et 1976 Erewhon, ouvrage magnifique qui dure plus d’une heure. La nouvelle partition que nous attendons sera de la même dimension - l’auteur la décrit comme son « anti-Erewhon ». En janvier 2013 nous créerons les Haikus del Mar de l’Espagnol José Manuel Lopez Lopez(5). Une création du Brésilien Flo Menezes est aussi prévue pour l’année prochaine ; l’Espagnol Aureliano Cataneo nous écrit une œuvre. A l’horizon 2014-2015 nous avons un projet avec l’Ircam et le jeune compositeur Jérôme Combier, dans lequel la vidéo, la photo, la lumière occuperont une place importante. Et puis… ce n’est déjà pas mal ! (rires)
Propos recueillis le 8 octobre 2012 par Alain Cochard
(1) Une actualité marquée entre autres par la parution d’un passionnant coffret de 15 CD retraçant l’itinéraire des Percussions de Strasbourg (Universal480 6512)
(2) La représentation prévue le 3 décembre a été annulée pour des raisons techniques.
(3) Le 15 décembre / www.operadereims.com
(4) Ce concert a eu lieu le 9 novembre.
(5) Le 22 janvier à Montpellier, Salle Pasteur
Stefano Gervasoni : Limbus-Limbo
4 décembre – 20 h
Paris- Opéra Comique
www.opera-comique.com
Site officiel des Percussions de Strasbourg : www.percussionsdestrasbourg.com
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Photo : Sergine Laloux
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