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Les Contes d'Hoffmann à l’Opéra de Toulon - Le poète coincé en Bavière – Compte-rendu
Bien que Les Contes d'Hoffmann (1881), le kaléidoscopique opéra-testament d'Offenbach, pose divers problèmes de réalisation, il attire toujours les foules : l'Opéra de Toulon est plein, pour cette première (de trois représentations), drainant notamment un public venu de Marseille que déçoit la programmation phocéenne.
Quelle version représenter - l'ancienne mixture de Choudens (1907), la révision d'Oeser ou l'une des plus récentes (Kaye, Keck) ? On a opté pour la tradition, conservant les récitatifs de Guiraud et nombre de morceaux apocryphes ("Scintille, diamant" et le Septuor de l'Acte III) mais supprimant l'air de Giulietta, le "Trio des yeux" et, ce qui est plus dommageable à la structure d'ensemble, la scène de la Muse du Prologue. Dans ce cas, pourquoi conserver l'Epilogue-croupion, qui perd de son sens ? Mystère. En conséquence, la représentation, coupée par deux entractes et quelques chutes de rideau, traîne un peu en longueur, d'autant qu'à la baguette, Emmanuel Plasson (le fils de Michel) ne fait pas montre d'une grande énergie, non plus que d'un évident sens de l'architecture ou du crescendo dynamique. Il veille en revanche à éviter les éclats de mauvais goût ou de couvrir les voix.
© Frédéric Stephan
A l'exception du Niklausse pâlichon de Sophie Fournier, celles-ci ont donc tout loisir de se faire acclamer (l'abondance des applaudissements intempestifs rallongeant d'autant le spectacle). Annoncé souffrant, Marc Laho livre son habituel Hoffmann trompettant, clair de diction et de projection, à l'émission de gorge droite et sans nuance - efficace, malgré quelques aigus craqués, mais guère émouvant.
Dans le quadruple rôle diabolique (doté de tous ses airs, ce qui en fait une gageure), Simone Alberghini affiche une belle noirceur mais le grave de Lindorf lui échappe et son français reste pâteux. Il en va de même de celui d'Ekaterina Lekhina, cruelle poupée aux tranchantes contre-notes et au jeu évocateur - on a rarement vu Olympia plus inquiétante et plus brutale ! Excellent Franz de Jérôme Billy (sa scène de l'Acte II paie toujours comptant), pulpeuse Giulietta de Bénédicte Roussenq (qui n'a pas grand-chose d'intéressant à chanter, dans cette mouture) et, surtout, frémissante, palpitante Antonia de Gabrielle Philiponet, malgré quelques sons un peu hauts. Le Choeur de Toulon n'est toujours pas parfait mais manifeste un engagement appréciable, dans une oeuvre où son rôle est si important.
Conçue pour la Fondazione Teatri di Piacenza, la mise en scène de Nicola Berloffa (ancien assistant de Luca Ronconi) situe l'action à l'époque de la création et fait choix d'un décor unique - vaste intérieur bavarois de style vaguement Biedermeier et d'un vert bouteille volontairement oppressant -, dont le fond est occupé par un rideau de théâtre, qui en s'ouvrant, caractérise les divers tableaux. C'est logiquement l'Acte II (celui de Munich) qui se prête le mieux à ce traitement, lequel accentue son atmosphère freudienne - le Docteur Miracle, grimé en Folamour nazi, y entre par la cheminée et le Portrait de la Mère (Sophie Pondjiclis) s'y métamorphose en mariée vampire. Le Tyrol cauchemardesque de l'Acte d'Olympia apparaît presqu'aussi piquant mais, en dépit d'éclairages rougeoyants, l'Acte de Venise manque de personnalité comme de cohérence, tandis qu'on a connu Prologue mieux rythmé. En somme, une lecture scénique assez traditionnelle, très éloignée des réinterprétations de Laurent Pelly, Robert Carsen ou Olivier Py, mais en harmonie avec l'interprétation musicale...
Olivier Rouvière
Offenbach : Les Contes d’Hoffmann - Toulon, Théâtre municipal, le 1er mars, prochaines représentations les 3 et 6 mars 2015 / www.operadetoulon.fr
Photos © Frédéric Stephan
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