Journal
Les Démonstrations de l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris - La jeunesse en marche - Compte-rendu
Voilà trente-huit ans que cela dure : la solide Claude Bessy, engagée jusqu’au bout des griffes dans son amour de l’Ecole de Danse qu’elle dirigea de 1972 à 2004, avait imposé ces séances jouissives autant qu’utiles pour les jeunes artistes, soumis à la terrible discipline que l’on imagine. Elisabeth Platel les continue avec sa patte plus souple et plus douce, et le rythme en est désormais harmonieusement fixé : huit démonstrations le matin, onze l’après-midi, mêlant filles et garçons, chaque professeur développant une série d’exercices appropriés à la division présentée (six en tout, des moins de onze ans aux moins de dix-huit), parfois en des séquences qui s’apparentent à de vraies petites chorégraphies pour les classes élevées, et le classique le plus rigoureux s’entrecoupant de séances plus souples, plus divertissantes.
C’est la chair vive de l’école qui est montrée là avec ses styles, ses réussites, ses ratages parfois, la personnalité de ses maîtres, le tout dans une ambiance de sérieux intense autant de que joie réelle, plus perceptible dans les séances de mime ou d’expression musicale, où le sympathique Scott-Alan Prouty se taille toujours un vif succès, en concluant sur une séquence pétillante où les 6e et 5e divisions rappellent qu’ils sont des enfants, avant d’être de futures stars !
Comme toujours, il y a les favoris, et parmi ceux-ci, Jacques Namont qui fut un mémorable Bouffon du Lac des Cygnes, produit des étincelles : il fait virevolter ses garçons de la 1ère division avec un esprit, une flamme et un humour qui font de ces séances risquées où les jeunes gens se trouvent face à de réelles prises de risque, un moment de total bonheur, les interprètes parvenant à ne pas dramatiser leurs ratages, seule façon de progresser. Et là, incontestablement, ces jeunes gens se taillent la part du lion, sans doute parce qu’on exige moins de rigueur des garçons que des filles, plus tendues avec leur terrible chignon vissé sur le haut du crâne et la rigueur de leur classicisme, qui se doit d’être impeccable. Jolis cous de pieds, bel équilibre, mais pointes encore un peu raides, dans l’ensemble.
Pour les garçons toujours, on a noté l’excellence de l’enseignement de Wilfried Romoli, pour les 3e divisions, et repéré une pépite, Grégoire Duchevet, mais chut, l’heure n’est pas encore à leur réputation personnelle, même si les professeurs eux, ont les yeux bien ouverts sur les vrais talents. On apprécie aussi l’élégance de la classe contemporaine de Claire Baulieu pour les 2e divisions. Et l’on craque pour les plus petites classes, ce qui est normal car ces enfants sont adorables dans leurs tentatives déjà très avancées pour recréer les lignes de l’art classique et trouver les axes de leur corps. Tandis que la séance mime paraît un peu faible. Mais elle est là pour les détendre, on l’aura compris.
La plupart font de beaux mouvements, certains dansent vraiment. Lesquels franchiront l’obstacle de l’entrée dans la compagnie ? Laissons les rêver et nous faire rêver. Il en restera toujours quelque chose de bon. Et comme le clamait Béjart dans son irrésistible ballet la Gaité parisienne, en évoquant son professeur russe, Madame Egorova : Trrravaille, trrravaille.
Jacqueline Thuilleux
Paris, Palais Garnier, 13 décembre 2015. Prochaine représentation, le 20 décembre 2015. www.operadeparis.fr
Photo © David Elofer / Opéra national de Paris
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