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Les Dissonances font leur festival à Port-Royal des Champs – Retrouvailles beethovéniennes
Pas question de baisser les bras ! Dès la fin du confinement David Grimal et ses Dissonances (photo) ont été à l’affiche du Festival « Artistes en résidence / en résistance » de l’Opéra de Dijon. A l’approche de la rentrée, ils sont de retour pour un séduisant week-end à dominante beethovénienne dans un cadre quelque peu inattendu : le Musée National de Port-Royal des Champs.
Beethoven fait partie de notre ADN
C’est grâce violoniste Boris Galitsky que D. Grimal a eu l’idée de s’intéresser à ce lieu et, en particulier, à sa grange à blé médiévale, parfaitement adaptée à la musique. Par l’intermédiaire d’un autre violoniste, Jérôme Akoka(1), grand expert en archets et organisateur d’un saison musicale de grande qualité à Port-Royal (chose que l’on ne sait pas assez), il a rencontré Philippe Luez, directeur du Musée et grand mélomane, qui a accueilli avec un vif enthousiasme l’idée du week-end Beethoven des 29 et 30 août.
« Il est important dans cette période très difficile pour notre métier de créer du travail pour les musiciens, insiste D. Grimal. » Ne se laissant pas décourager par l’indifférence des radios et télévisions qu’il a pu contacter pour leur faire part de son initiative, avec des moyens modestes (parmi lesquels quelques subsides du ministère de la Culture obtenus à la faveur de l’ «été apprenant »), il a mis sur pied une programmation qui marque le « bonheur des retrouvailles » avec ses amis musiciens autour de Beethoven. « C’est le compositeur de l’année certes, mais surtout un auteur qui fait partie de notre ADN et qui est très présent dans nos programmes – c’était encore le cas en Israël lors de notre dernier concert avant le confinement. Nous avions une tournée prévue en octobre autour de Petrouchka de Stravinski, difficilement réalisable dans le contexte actuel. Je l’ai remaniée autour de quelques symphonies et du Concerto pour violon de Beethoven »
Ce dernier, sous l’archet de D. Grimal, figure dans la partie symphonique du week-end de Port-Royal, à côté des Symphonies nos 2, 4 et 8. Des œuvres moins populaires que les symphonies impaires mais aussi géniales et dont le caractère lumineux et rayonnant reflètera parfaitement la joie des instrumentistes (ils seront 37 en tout) de se rassembler.
David Grimal © Julien Mignot
« Dissonances Chamber Music Series »
A côté des deux rendez-vous symphoniques prévus, on ne sera pas moins séduit par le volet chambriste de la programmation, qui s’inscrit dans l’esprit des « Dissonances Chamber Music Series » lancées à Dijon à la sortie du confinement et traduit l’envie de D. Grimal « de développer un festival de musique chambre international avec des artistes avec lequels il ressent une fraternité. » Le Quatuor Hermès, Xavier Phillips et Cédric Tiberghien sont au rendez-vous de Port-Royal, le premier avec le Quatuor Les Dissonances dans le somptueux Octuor op. 7 d’Enesco – que les huit archets ont prévu d’enregistrer, dans un autre cadre, pour un disque à paraître courant 2021 chez La Dolce Volta, complété par le généreux et étonnant Caprice roumain du même auteur avec D. Grimal en soliste. (1)
Quant à Xavier Phillips et Cédric Tiberghien, dont on sait qu’ils ont des projets discographiques en commun (pour La Dolce Volta), ils consacreront la totalité de leur récital à Fauré, voisinage parfait pour Enesco, si proche de la culture française.
Plus de fertilité dans les initiatives
« Avenir proche très incertain et avenir lointain très indéfini » : la formule de D. Grimal résume bien les difficultés dans lesquelles la crise sanitaire plonge les musiciens. « Dans l’arrêt brutal de la vie musicale, dont personne ne peut se réjouir – car le métier est en danger – il y a aussi beaucoup de choses qui n’ont pas de sens qui s’arrêtent, remarque-t-il avec pertinence ; ce peut être l’occasion de plus de fertilité dans les initiatives, c’est ce que je souhaite en tout cas et j’essaie de participer de manière positive à l’émergence de plateformes créatives. » On en a l’exemple avec les « Dissonances Chamber Music Series » qui, selon leur initiateur, « reprennent l’esprit des Dissonances – orchestre de rencontres – dans un contexte chambriste. » Pas d’annonce officielle pour le moment, mais on sait que le violoniste multiplie les contacts en France et en Europe et bâtit un projet en ce domaine pour 2021-2022.
Le Quatuor Hermès Quatuor Hermès © Lyodoh Kaneko
Silence à l’Opéra de Dijon
Pouvoir se projeter dans l’avenir est essentiel pour des interprètes et, à ce sujet, D. Grimal ne peut que légitimement déplorer le flou qui règne atour de la résidence des Dissonances à l’Opéra de Dijon depuis le remplacement dans des conditions houleuses de Laurent Joyeux par Dominique Pitoiset à la tête de l’institution. « Je me suis adressé, ainsi que mon administrateur, au nouveau directeur. Il est j’imagine est en train de préparer son projet. Silence total pour le moment ... »
On comprend d’autant plus le mélange de désarroi et d’amertume avec lequel D. Grimal considère cette attitude que, depuis le début de leur résidence à Dijon en 2008, les Dissonances ont construit un public – le taux de remplissage exceptionnel du vaste auditorium pour leurs concerts en est la meilleure preuve. « C’est une vraie histoire d’amour. » Inutile de préciser qu’il espère pouvoir bientôt dialoguer avec D. Pitoiset.
Nouvelle donne pour la pratique musicale collective
Le fondateur des Dissonances est tout cas bien conscient de la nouvelle donne introduite par la crise sanitaire : « Nous sommes dans une crise systémique tellement importante dans notre métier que cela ouvre des brèches : cela veut-il dire que des projets tels que celui que je porte depuis des années ne seront plus possibles parce qu’il n’y aura plus d’économie suffisante pour les porter et que l’on va réduire la musique classique à la portion congrue en ne fonctionnant qu’avec les orchestres de région, ou qu’au contraire le modèle économique des Dissonances – très léger par rapport à celui des orchestres permanents – et la qualité artistique dont la formation peut se prévaloir vont revêtir un sens plus nouveau ? Je ne sais pas ; c’est très difficile de savoir ce qui va se passer. »
« La pratique collective de la musique classique va-t-elle évoluer vers plus d’intelligence collective, plus de responsabilisation, de créativité. Les orchestres vont-ils se repenser ? Il est intéressant de noter que pendant le confinement tous les orchestres ont pour la première fois communiqué sur leurs musiciens ; on s’est aperçu qu’il y a des gens extraordinaires dans les orchestres, ce que le public ne savait pas car jusque là la communication se faisait sur le chef. »
Une approche de la musique classique « moins mondaine, moins mercantile » correspondrait en tout cas pleinement aux vœux de D. Grimal.
Alain Cochard
(Entretien réalisé le 24 août 2020)
(1) Jérôme Akoka (accompagné de Jean-François Raffin) donnera une conférence sur l’archetier Pierre Tourte le 20 septembre à 14h au Musée de Port-Royal. Du 28 août au 21 septembre, celui-ci accueille l’exposition « L’Archet révolutionnaire de Pierre Tourte à Beethoven »
(2) On découvrira aussi sous l’archet de D. Grimal, courant 2021 chez La Dolce Volta, l’intégrale des Sonates d’Ysaÿe et celle des Sonates et Partitas de Bach
Beethoven à Port-Royal des Champs
Les Dissonances, David Grimal, Quatuor Hermès, Quatuor Les Dissonances, Xavier Phillips, Cédric Tiberghien.
Musée National de Port-Royal des Champs
Route des Granges
78114 Magny-les-Hameaux // www.port-royal-des-champs.eu/
29 et 30 août 2020 (17h et 20h le 29 – 11h30 et 16h le 30)
Infos/rés. : www.les-dissonances.eu/events.html
Photo © Bernard Martinez
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