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Les Troyens à l'Opéra de Marseille - A mi-chemin - Compte-rendu

L’affiche de ces Troyens de concert à l’Opéra de Marseille faisait figure d’événement, en raison de la prise de rôle d’Énée par Roberto Alagna. Le divo n’a pas réellement manqué à l’attente. Mais il y eut aussi d’autres surprises, moins attendues, bonnes et moins bonnes.

Donc, Alagna. Le ténor ne donne pas encore l’exacte mesure de son nouveau rôle, comme en témoignent quelques notes escamotées, trous et passages à vide (avec la partition sous les yeux !). La promesse reste cependant confirmée, par des interventions justes et senties. Il alterne, à l’instar de son récent Nadir des Pêcheurs de perles, voix pleine et de falsetto. Parti a priori judicieux, sachant les inclinations de Berlioz pour la technique de ténor mixte… Si ce n’est que font défaut les notes de passage d’un registre à l’autre : sa participation dans le duo du quatrième acte est ainsi maintenue obstinément en voix de tête, quand notre chanteur vedette use dans les autres moments du registre de poitrine, exclusivement (y compris pour l’andante de son air au cinquième acte, où une couleur évanescente aurait été appropriée, et le contre-ut de ce même air mieux destiné à la voix de tête). Demeurent l’ardeur et la franchise du timbre. Nul doute qu’au fil d’autres exécutions (comme au Deutsche Oper de Berlin en mars et avril prochains), Alagna saura mieux appréhender et dominer un rôle qu’il semble à Marseille n’avoir fait que débroussailler.

On attendait donc Alagna, mais il y eut Courjal… et aussi Alexandre Duhamel. Nicolas Courjal pour une Ombre d’Hector d’anthologie, l’une des meilleures caractérisations depuis une bonne trentaine d’années, et le second pour un Panthée d’une assurance confondante. Certains attendaient peut-être aussi Béatrice Uria-Monzon, mais ce fut Clémentine Margaine qui se révéla ! Anna à la projection ferme et au legato tout autant. Ce n’est pas qu’Uria-Monzon déçoive vraiment, mais la tâche était à l’évidence trop lourde de camper à la fois Cassandre et Didon. La seconde héroïne lui convient mieux, d’une belle teneur dramatique, comme on l’avait déjà noté à l’Opéra de Berlin en décembre 2010 ; alors que sa prophétesse troyenne n’évite pas toujours les notes tirées.

Le reste de la distribution vocale s’affirme en adéquation, avec l’Ascagne de Marie Kalinine, l’Iopas de Gregory Warren – seul non francophone –, en dépit d’un Chorèbe de petit gabarit. Quant à la direction de Lawrence Foster, récent directeur musical de l’institution marseillaise, elle prend mieux corps passant la soirée : quelque peu incertaine et fruste dans les deux premiers actes, puis épanchée dans les deux derniers, devant un orchestre qui suit un même chemin, terne puis enfin éveillé, coloré et palpitant. Le chœur correspond, à son aise pour les pupitres féminins et flottant davantage pour les hommes.

Le concert aura toutefois connu un petit parfum de polémique, sourdement, mais pleinement révélé au moment des saluts, entre bravos et ponctuelles huées confrontées. En cause, assurément, le traitement subi par une partition affligée de coupures : nettes (les entrées et les ballets, admissibles éventuellement pour une version de concert), ou insidieuses : telle mesure, telle phrase, telle réplique… Ces dernières permettaient, mais au prix d’une cohérence bousculée, de gagner – mauvais alibi – une dizaine de minutes… vite perdues avec la répétition des entractes (trois !), les tempos appesantis du chef (régulièrement, dans des passages pourtant indiqués vivace ou agitato) et la place laissée libre aux applaudissements intempestifs de l’exubérant public marseillais : comme lors de l’injustifiable arrêt de la battue à la fin du duo, douze mesures seulement avant la chute du quatrième acte ! Souhaitons que l’Opéra de Marseille, qui en a les moyens et vient de le prouver, inscrive Les Troyens parmi ses productions au cours de prochaines saisons. Et sans l’excuse du concert, alors cette fois de manière plus intègre…

Pierre-René Serna

Berlioz : Les Troyens (version de concert), Marseille, Opéra, 15 juillet 2013

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Photo : Christian Dresse

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