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L’exposition Paul Klee Polyphonies, selon Marcella Lista, historienne de l’art, commissaire de l’exposition
Plusieurs expositions importantes ont déjà engagé le débat sur la nature du dialogue que Paul Klee a pu chercher à établir entre la peinture et la musique. Parmi elles, Klee et la musique au Musée national d’art moderne à Paris en 1985 et Paul Klee : Melodie und Rhythmus au Zentrum Paul Klee de Berne en 2006.
Une observation précise de ses œuvres et de ses écrits invite en effet à un constat nuancé concernant l’empreinte musicale qui apparaît régulièrement, tout au long de sa vie, dans sa production picturale et graphique. En dépit de sa pratique de violoniste et des nombreux titres musicaux apparaissant dans ses œuvres, l’artiste s’est gardé d’adhérer à une quelconque doctrine des « correspondances » entre la vue et l’ouïe. Aucun traité théorique, publié de son vivant, ne défend l’idée, pourtant courante à son époque – comme chez son collègue et ami Vassily Kandinsky –, d’une possible synthèse ou transposition des arts. C’est une mosaïque complexe que l’exposition Paul Klee Polyphonies propose dès lors de déployer. En présentant pour la première fois ce sujet dans une perspective chronologique, le parcours permet de lire l’évolution des intérêts de Klee entre musique, poésie et théâtre. Le propos passe par une ouverture de l’œuvre sur son contexte, en montrant les réseaux d’affinités et d’influences à partir desquels s’est construit le cheminement à la fois artistique et conceptuel du peintre violoniste. D’une part, l’exposition intègre certains artistes, tels que l’association du Blaue Reiter, le groupe Dada de Zurich et le cercle des maîtres du Bauhaus, dont le voisinage s’est avéré marquant. De l’autre, elle éclaire le dialogue entretenu par Klee avec la musique, tant sous l’aspect du répertoire que des productions contemporaines, à travers des figures telles que Schönberg, Busoni, Bartók, Hindemith, Wolpe.
L’idéal de la « polyphonie », défini par Klee progressivement comme un modèle artistique, n’y désigne pas seulement l’art raffiné, autoréflexif du contrepoint musical qui le fit admirer par dessus tout les chefs-d’œuvre de Bach et de Mozart. Cet idéal polyphonique rend plutôt compte d’un désir profond d’émancipation de la peinture, qui reposerait sur l’élargissement et l’enrichissement de ses moyens expressifs. L’artiste précise, dans les notes de ses cours donnés au Bauhaus de Weimar en 1922, que « la simultanéité de plusieurs thèmes indépendants constitue une réalité qui n’existe pas uniquement en musique, [...] mais qui trouve son fondement et ses racines dans n’importe quel phénomène, partout ». Rapprocher l’art de la nature et de la vie est l’une des ambitions profondes de cette œuvre, entreprise suprême de synthèse et de conciliation des contraires. Une expérimentation technique et stylistique constante, un dialogue entre vitalité poétique et réflexion théorique, une capacité à l’observation et à la compréhension essentielle des enjeux esthétiques de son temps inscrivent la pluralité et la diversité parmi les fils conducteurs de l’activité créatrice de Paul Klee.
Rassemblant plus de 130 œuvres, plus de 70 documents et un parcours sonore qui apporte un éclairage inédit sur la culture musicale de l’artiste, Paul Klee Polyphonies est la première exposition de cette envergure consacrée au peintre suisse depuis 1985, à Paris. Elle offre de redécouvrir et de relire une figure singulière de la modernité, irréductible aux schémas habituels de l’histoire de l’art, qui opposent habituellement, dans la considération de la première moitié du XXe siècle, figuration et abstraction, table rase et conservatisme. Des prêts exceptionnels, où voisinent chefs-d’œuvre et pièces peu connues, donnent une image renouvelée de la force et de l’étendue de l’œuvre.
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