Journal
Lindberg, Salonen et Sibelius par Case Scaglione et l’Orchestre national d’Ile-de-France à la Philharmonie de Paris – 100% finlandais – Compte-rendu
La musique de Sibelius réussit à Case Scaglione et à son Orchestre national d’Île-de-France ; on a déjà salué de très belles réussites de leur part en ce domaine. L’heure était à la Symphonie n° 1 cette fois, qui fournissait prétexte à un programme tout finlandais dont l’originalité (y compris dans le choix du soliste, encore peu connu chez nous) porte la signature de la formation francilienne et de son directeur musical. Original, mais peu convaincant en son début ... Point par la faute d’interprètes qui s’engagent sans réserve dans Feria (1997) de Magnus Lindberg, mais à cause d’une pièce dont la grosse quinzaine de minutes paraît bien longue tant sa volonté de traduire l’exubérance de la fête espagnole s’exprime de manière bavarde et redondante. A choisir dans le répertoire finnois autre que sibelien, on aurait préféré entendre le sensuel poème symphonique Pan d’Aarre Merikanto par exemple.
Roberto González-Monjas © Marco Borggreve
Oublions, d’autant que l’Ondif se fait amplement pardonner cette entrée en matière avec l’œuvre qui suit : le Concerto pour violon d’Esa-Pekka Salonen. Le célèbre chef et compositeur finlandais a élaboré son ouvrage en 2008-2009 en étroite collaboration avec celle qui en fut la créatrice à Los Angeles en avril 2009 : Leila Josefowicz.(1) Une interprète avec laquelle l’auteur a étroitement collaboré et qui l’a poussé à aller très loin dans l’exploitation des possiblités de l’instrument. C’est à l’archet de Roberto González-Monjas (ce remarquable musicien est aussi chef d’orchestre et s’est fait applaudir en janvier dans le Requiem de Mozart à l’Opéra de Bordeaux) que revient une partition redoutable (en quatre volets) dont l’exigence technique ne cède rien à l’effet facile. En parfaite osmose avec Scaglione, le violoniste mesure à quel point le timbre en constitue une dimension essentielle, du très mobile et scintillant Mirage introductif à l’onirique Adieu final, en passant par la formidable exacerbation rythmique de Pulse II (le 3e mvt) Une musique qui « donne à voir », ici servie avec une poésie et une force évocatrice très prenantes – sans parler de la pureté d’intonation et de la large palette expressive que González-Monjas déploie sur son Guarnieri.
© Kaupo Kikkas
Sibelius réussit à Scaglione ; la Symphonie n° 1 vient confirmer ces affinités. Le solo de clarinette introductif, somptueux (un grand bravo à Myriam Carrier ! ), nous embarque dans une interprétation qui s’attache plus aux potentialités dont la musique est porteuse qu’aux influences qui la nourrissent. Très concentrée la conception du chef américain – sans oser les âpretés d’un Santtu-Matias Rouvali dans cet Opus 39 – tourne résolument la partition vers l’avenir avec imagination sonore et parfaite aisance à épouser ses atmosphères changeantes (l’Andante est un pure merveille ; le Finale raconte et aiguise continûment l’attention de l’auditeur).
Prochain(s) rendez-vous de l’Ondif du 26 mars au 1er avril avec un superbe pianiste de la nouvelle génération française, Sélim Mazari, et un chef très rare à Paris, Vassily Sinaisky, dans un programme McMillan, Mozart, Chostakovitch.(2)
Alain Cochard
Paris, Philharmonie, Grande Salle, 14 mars 2023 // Diffusion en différé sur France Musique le 12 avril 2023 à 20h
(1) On dispose d’un enregistrement par Josefowicz, sous la direction de Salonen, avec l’Orchestre de la Radio finlandaise (DG)
(2) www.orchestre-ile.com/page/saison/33_saison-2223/concert/799_orage-et-passions
Photo Case Scaglione © Kaupo Kikkas
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