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Lise Davidsen à la Salle Gaveau – La relève est assurée – Compte-rendu
C’était sans aucun doute le concert le plus attendu de la rentrée. Entraperçue à Paris où elle n’a pas encore eu les honneurs d’une production à la hauteur de sa réputation, la soprano Lise Davidsen vient de remporter un triomphe pour sa première apparition Salle Gaveau. A 35 ans, cette Norvégienne aux traits calmes et au sourire serein peut s’enorgueillir d’un beau palmarès : Zürich, Aix-en-Provence, Covent-Garden, le Met et Bayreuth l’ont déjà accueillie comme la digne héritière de Birgit Nilsson (en plus d’un Premier Prix, elle a d’ailleurs reçu le prix qui porte le nom de son illustre devancière au concours de chant Operalia 2015), de même nationalité et dotée d’une voix tout aussi colossale.
© Ray Burmiston
En quelques années seulement la jeune femme s’est hissée parmi les cantatrices les plus intéressantes de sa génération en se voyant confier les grands rôles du répertoire germanique dans lesquels elle excelle (Sieglinde, Elisabeth, Ariadne, La Maréchale, Fidelio…), mais également russe (Lisa), tchèque (Jenufa) et italien (Medea, Santuzza, Desdemona). C’est d’ailleurs avec Verdi que son programme parisien a débuté et par une très belle scène du gibet du Ballo in maschera. Les moyens sont colossaux, les grands aigus font trembler la salle, mais l’instrument est maniable, conduit avec précision et le soutien jamais pris en défaut. Si l’on décèle quelques pailles dans la diction de l’italien et de rares intonations un peu basses, la soprano investit courageusement le personnage d’Amelia dont l’anxiété grandissante accompagne cet inhabituel et dangereux rendez-vous nocturne. Tout ce qui l’entoure est en effet une menace potentielle qui met ses nerfs à vif. Réussite aussi que la grande scène du 5e acte de Don Carlo ; Lise Davidsen a du souffle – « Tu che le vanità conoscesti del mondo » est chanté sur une même respiration – de l’ampleur, un phrasé développé et un capacité à traduire l’émotion qui parcourt la pauvre Elisabetta, réalisant à ce moment précis tout ce qu’elle a perdu depuis son arrivée en France …
Mathieu Herzog © Rémi Rière
Il faut dire que le chef Mathieu Herzog dirige ce grandiose lamento à un tempo parfait et prend soin de souligner la mélancolie dans laquelle se perd cette femme condamnée aux larmes. De couleurs, de nervosité et d’éclat, les membres de l’Orchestre Appassionato n’en manquent d’ailleurs ni dans les ouvertures, ni dans les pièces orchestrales (superbes Vespri siciliani et Prélude du 3e acte des Meistersinger) jouées pendant ce concert. Avec l’« Ave Maria » d’Otello, plus beau encore que celui gravé pour son second récital de studio (Decca, dir. Mark Elder), la chanteuse prouve qu’elle peut alléger son instrument et filer de longues notes piano, ce qui à première vue ne va pas de soi venant d’une voix aussi énorme.
L’air d’Agathe du Freischütz, « Leise, leise », un peu lent, est mené avec sagacité, mais comme de juste Lise Davidsen se révèle plus expressive et plus à l’aise dans l’explosion finale que dans la sobriété somnolente qui la précède. « Du bist der Lenz » extrait de Die Walküre tombe sans surprise sans un pli dans le gosier d'une musicienne qui chante cet air comme elle respire, avec chaleur et douceur, des qualités que l’on retrouve dans le « Dich teure Halle » de Tannhäuser qui semble avoir été écrit pour sa voix large, au débit franc et direct avec cette pointe de métal lové dans le moelleux de la phrase qu’elle déroule avec facilité.
Après cette belle démonstration d’un art qui ne demande qu’à prendre son temps pour grandir et gravir les sommets, la Norvégienne revenait avec une Tosca frémissante et féminine « Vissi d’arte », abordée avec ce qu’il faut de passion, de drame et de sensualité.
François Lesueur
Paris, Salle Gaveau, 11 octobre 2022
Photo © lisedavidsen.com
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