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« Liszt est un illustre inconnu » - Une interview de Muza Rubackyté
Fascinée par la musique de Liszt depuis le commencement de son parcours, la pianiste franco-lituanienne Muza Rubackyte a choisi le 11 mars (jour anniversaire de l’indépendance retrouvée de la Lituanie en 1990) pour un récital à Gaveau où se mêlent des œuvres de Liszt et du Lituanien Ciurlionis – « un extraordinaire compositeur de musique et de peinture », disait de lui Olivier Messiaen. Rencontre avec une lisztienne fervente.
Vous souvenez-vous de votre tout premier contact avec la musique de Franz Liszt ?
Muza RUBACKYTE : Oui, très précisément. J’étais une petite fille élevée dans une famille de musiciens, je jouais alors du violon et du piano, j’étais douée pour le chant, je cherchais toujours le challenge dans tout ce que je faisais. Un jour, à la télévision, j’ai vu un film australien qui racontait l’histoire d’une petite fille, de onze ans comme moi, qui jouais avec les kangourous, chantait, dansait et revenait toujours vers le piano pour travailler la 6ème Rhapsodie hongroise… Je me suis alors mis en tête de faire la même chose, malgré l’avis contraire de ma mère et de ma tante qui pensaient que c’était prématuré, et j’ai appris toute seule une pièce qu’à partir de douze ans je jouais un peu partout. Une histoire d’amour avec la musique de Liszt a commencé alors, et dure toujours !
Certaines œuvres de Liszt sont régulièrement jouées mais, si l’on prend ce compositeur dans sa formidable diversité, n’avez-vous pas le sentiment qu’il demeure très méconnu ?
M.R. : Je trouve qu’on ne joue pas assez de Liszt. On joue beaucoup de Beethoven, de Chopin, de Schumann, mais on joue peu de Liszt par rapport à l’immensité de son œuvre. Il y a plusieurs Liszt. Certaines personnes disent : je n’aime pas Liszt. Mais de quel Liszt parlent-elles ? Il y a le saltimbanque, mais aussi le compositeur très profond, l’artiste imprégné de littérature, occupé à peindre la nature, le symphoniste, l’inventeur d’harmonies nouvelles qui nous conduit vers la musique atonale. C’est un illustre inconnu qu’il faut faire découvrir. Je m’implique avec beaucoup d’enthousiasme dans ce bicentenaire ; c’est pour moi une mission que de faire mieux connaître Liszt !
Votre récital du 11 mars à Gaveau n’est toutefois pas uniquement dédié à Liszt. Vous mêlez en effet sa musique à celle de votre compatriote M.K. Ciurlionis(1875-1911)…
M.R. : 2011 marque un double anniversaire pour moi, celui de Liszt bien sûr, musicien que j’adore et qui marque très fortement mon activité d’artiste, mais aussi celui de Ciurlionis, fierté nationale de la Lituanie dont on célèbre le centenaire de la disparition. Contrairement à Liszt, sa vie a été très courte : il est mort à trente-cinq ans. Il y a cependant plusieurs Ciurlionis, c’était un très grand peintre, mais aussi un musicien qui est parti du romantisme et a abouti à œuvres de caractère cosmique qui se rapprochent de Scriabine ou de Szymanowski. Il est intéressant de constater que ni Liszt, ni Curlionis ne se sont enfermés dans la musique pure. La musique de Ciurlionis est extrêmement pittoresque dans un sens symbolique : il ne s’agit pas de descriptions mais d’évocations
Réalisé en 2003, votre enregistrement des Années de Pèlerinage vient d’être réédité (1). Allez-vous également reprendre ce corpus en concert ?
M.R. : On ne se lasse pas des Années de Pèlerinage ! Avant de les enregistrer, je les avais données en 2002 à Radio France. Le fait de jouer la totalité de cette « épopée » en un seul jour m’a énormément enrichie. Depuis pratiquement une décennie, je joue une ou deux fois par an l’intégralité des Années ; c’est un marathon, à la fois épuisant et enrichissant : je ne suis jamais la même au moment où je parviens à son terme. Je renouvellerai l’expérience le 4 juin à l’Amphithéâtre Bastille, avec Eric Génovèse en récitant – une expérience magnifique en perspective -, puis au Festival de Nohant en juillet et au Festival Musique en Côte Basque en septembre.
Des projets discographiques lisztiens en vue ?
M.R. : Les deux concertos de Liszt, captés en concert, l’un avec l’Orchestre de Lituanie et l’autre avec le Royal Flemish Orchestra, sortiront bientôt chez Doron. Pour Lyrinx j’envisage de compléter les Schubert/Liszt enregistrés il y a quelques années par d’autres pièces afin d’arriver à un CD Schubert/Liszt complet, peut-être même à un double album.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 12 février 2011
(1) Un coffret de 3CD Lyrinx
Récital de Muza Rubackyte
Œuvres de Liszt et Ciurlionis
11 mars 2011 – 20h 30
Salle Gaveau
www.sallegaveau.com
Tél. : 01 49 53 05 07
Site de Muza Rubackyte : www.rubackyte.eu
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Photo : Bob Coscarelli
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