Né de l’imagination de Windsor McCay au début du XXe siècle (plus de cinq cents planches réalisées pour le New York Herald de 1905 à 1914, puis pour le New York American entre 1924 et 1926), Little Nemo fait partie des réalisations fondatrices de l’histoire de la bande-dessinée. Chaque soir, lorsque Morphée le serre dans ses bras, le gamin s’envole vers Slumberland, le royaume des rêves ...

© Jeff Rabillon / Angers-Nantes 

Le metteur en scène Olivier Balazuc et le librettiste Arnaud Delalande se sont laissé séduire par l’univers onirique de l’artiste américain et ont trouvé en David Chaillou (né en 1971) un musicien prêt à se lancer dans la rédaction d’un opéra inspiré par Little Nemo. « Même si le dessin et les bulles ne laissaient pas de place à la musique, j’ai toujours associé Little Nemo à des sons, des échos, des bruits incongrus qui accompagnaient le jeune héros endormi qui voyage de son subconscient », confie le compositeur. Et de donner vie à cette perception, avec le concours de ses librettistes, dans un ouvrage dont la création mondiale s’est tenue au théâtre Graslin, le 14 janvier dernier, Angers-Nantes Opéra coproduisant le spectacle avec l’Opéra de Dijon et l’Ensemble Ars Nova.

Après Nantes, et en attendant Angers (où on le verra en mars), Little Nemo a pris place sur la scène de l’Auditorium de Dijon. Immense, le lieu est sans aucun doute surdimensionné par rapport au caractère d’un ouvrage contant le retour en enfance d’un Nemo devenu adulte (sous les traits d’un arrogant promoteur enivré par la spéculation immobilière). L’annonce de la mort de sa mère le ramène au monde enchanté de Slumberland... Un prologue, trois actes et un épilogue ? Little Nemo n’en demeure pas moins une partition concise (90 minutes), qui ne se conçoit que donnée d’un seul tenant. Opéra ? Théâtre musical conviendrait mieux pour définir une œuvre pleine de vie, portée par un ensemble instrumental de 11 musiciens où la percussion est très présente - l’informatique musicale, signée José Miguel Fernandez, venant enrichir les choses d’intelligente façon.

La prééminence du parlé-chanté laisse toutefois peu de place aux envolées lyriques ; c’est la contrepartie de l’option très rythmique de David Chaillou – et la réserve que l’on émettra. Mais les personnages hauts en couleur de son Little Nemo, la fantaisie et le dynamisme de la mise en scène d’Olivier Balazuc, à laquelle les décors et les costumes de Bruno de Lavenère de même que le travail (comme toujours très soigné) du vidéaste Etienne Guiol apportent beaucoup, ne manquent pas de séduction.
 

© Jeff Rabillon / Angers-Nantes Opéra

Changement – semi-changement plutôt – sur un rôle pour la matinée du 4 février : en méforme vocale, Chloé Briot joue le rôle de Nemo enfant mais laisse le chant à sa collègue Eliette Prévot-Tamestit, installée dans la fosse. Un exercice toujours délicat dont l’une et l’autre se tirent bien malgré quelques inévitables défauts de synchronisation – et la position dos au public de la chanteuse. Tout le reste de la distribution ne mérite qu’éloges : Richard Rittelmann parfait en Nemo adulte, Hadhoum Tunc, voix souple et aigus lumineux pour la Princesse, la Fée Cristalette et Stella, la belle basse de Bertrand Bontoux – un artiste issu du Jardin des Voix de William Christie – en Roi Morphée et Lunatrix, Florian Cafiero en Greffier, Docteur Pilule et Chambellan ou Cyril Rabbath en bondissant Môme Bonbon. S’agissant de bondir, on peut aussi faire confiance au danseur Vincent Clavaguera-Pratx dans le rôle d’Imp le Sauvage.
En fosse, Philippe Nahon conduit les musiciens d’Ars Nova avec une précision remarquable ; tous ils apportent beaucoup au relief et à l’attachante fantaisie de Little Nemo.

Alain Cochard  

D. Chaillou : Little Nemo – Dijon, Audirorium, 4 février ; prochaines représentations à Angers les 22 et 24 mars 2017/ www.angers-nantes-opera.com/nemo.html

Photo © Jeff Rabillon / Angers-Nantes Opéra