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ll Nerone de Monteverdi à l’Athénée - Du beau théâtre sans machines – Compte-rendu
L’absence de machines, les spectateurs s’en accommodent fort bien, et Alain Françon parvient admirablement à faire du très bon théâtre, sans décors monumentaux ni gadgets. Une actualisation discrète sans effets appuyés, où les robes des dames évoquent une Antiquité revue par les années 1950, un rideau doré qui semble flotter au vent, des fonds suffisant à situer l’action (dont une superbe fresque pompéienne pour le jardin de Poppée), un meuble ou un accessoire, il n’en faut ici pas plus, et c’est l’engagement dramatique des chanteurs qui rend passionnante la représentation du drame. La mise en scène évite de souligner le côté « tous pourris » cher à certaines productions et laisse au spectateur le soin d’utiliser son cerveau pour juger les personnages.
Si le résultat emporte autant l’adhésion, c’est aussi en grande partie grâce aux fortes personnalités artistiques que réunit en ce moment l’Académie de l’Opéra de Paris. Dans ce qui est cette fois le rôle titre, Fernando Escalona est tout à fait bluffant, entre sa voix de contre-ténor « alla Fagioli », aux sonorités quasi féminines, et sa composition de jeune tyran grisé par sa propre autorité. Il trouve en Marine Chagnon une partenaire à sa mesure, la voix de la mezzo rendant l’héroïne plus sensuelle que jamais, l’incarnation étant là aussi à la hauteur de la prestation musicale, pour une Poppée aussi spontanée qu’énigmatique. Doté d’une stupéfiante présence scénique, Alejandro Baliñas Vieite donne à Sénèque toute sa grandeur, grâce à des graves d’une densité rare.
Très drôle en Fortuna, Martina Russomanno joint à une déclamation souveraine un timbre gourmand d’un bout à l’autre de sa tessiture. Ottavia soprano, Lucie Peyramaure a les ressources expressives nécessaires pour rendre émouvante l’impératrice délaissée, puis exilée. Léo Fernique est une Arnalta aussi hilarante dans les récitatifs que tendre dans sa berceuse, et l’on regrette que son confrère contre-ténor Léopold Gilloots-Laforge ne prête à pas à Ottone des accents aussi convaincants.
Parmi les rôles secondaires, on détachera Kseniia Proshina (Amore, Valletto), dont la projection manque parfois un peu de puissance, mais dont l’aisance en scène justifie que le rôle de Cupidon ait été développé par nombre d’apparitions souvent muettes, qui rappellent combien le dieu veille sur les actions des humains, et Léo Vermot-Desroches ; cumulant plusieurs petits emplois, il parvient à faire entendre ses aigus parmi les Familiers de Sénèque, et campe un Lucain moins décadent que ce n’est souvent le cas.
Laurent Bury
Monteverdi : Il Nerone (L’incoronazione di Poppea) – Paris, Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 4 mars ; prochaines représentations les 6, 8, 10 et 12 mars 2022. www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/il-nerone-lincoronazione-di-poppea.htm
Reprises :
- à l’Opéra de Dijon du 20 au 26 mars / opera-dijon.fr/fr/au-programme/calendrier/saison-21-22/le-couronnement-de-poppee/
- à la Maison de la culture d’Amiens le 1er avril 2022 / www.maisondelaculture-amiens.com/saison/saison-21-22/le-couronnement-de-poppee/
Photo © Vincent Lappartient - Studio J’adore-ce-que-vous-faites
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