Journal
Lohengrin à l’Opéra de Saint-Etienne – Incandescence et enchantement – Compte-rendu
Coproduit avec l’Opéra de Marseille, ce Lohengrin donné en primeur à Saint-Etienne s'inscrit parmi les moments forts de la saison qui s’achève. La direction de Daniel Kawka, souple, ménageant les transitions avec une habileté confondante, se met sans cesse au service d’un plateau vocal homogène et apporte à l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire une respiration, des couleurs et un sens dramatique qui, l’acoustique de la salle en moins, peuvent se comparer à ce qui se fait de mieux à Bayreuth.
Daniel Kawka © Christian Ganet
La mise en scène de Louis Désiré ne manque pas d’imagination (mais pourquoi vouloir meubler le prélude orchestral alors que la musique se suffit à elle-même ?) tout en ne choisissant pas toujours la simplicité. Si les chœurs – au demeurant excellents – sont habilement employés y compris dans leurs déplacements, l’insistance à expliquer le pourquoi et le comment du mystère de Lohengrin, la transformation de Gottfried en cygne ou la présence d’une bibliothèque censée suggérer l’idée de transmission par le livre, n’apportent vraiment rien à cette histoire christique. Les lumières de Patrick Méeüs entretiennent un climat entre chien et loup avec des tons subtils. Toutefois, le miracle, si l’on peut dire, se situe ailleurs. Outre le travail en profondeur de Daniel Kawka qui habite littéralement cette partition dont il fait une fresque sonore d’une poésie et d’une incandescence à couper le souffle, poussant les musiciens dans leurs retranchements –on reste médusé par la qualité des cuivres au début de l’acte III et la transparence globale des cordes –, les voix éminemment wagnériennes laissent une impression de plénitude.
© Cyrille Cauvet - Opéra de Saint-Etienne
Dans le rôle-titre, Nikolai Schukoff gagne au fur et à mesure en expressivité et son chant projeté et tendu ne souffre pas des imperfections qu’on peu lui connaître. Ses aigus assurés, son incarnation crédible (la scène sensuelle avec Elsa dans le lit des noces), la générosité de son timbre rendent à Lohengrin sa dimension héroïque sans lui ôter son caractère sacré. Cécile Perrin en Elsa, tout de blanc vêtue, à la fois pure et touchante, se montre capable de belles nuances célestes mais sait aussi sortir de sa réserve dans les interventions dramatiques de la fin de l’œuvre. Catherine Hunold, Ortrud machiavélique à souhait, intonation profonde et puissance sans limite, sait contrôler avec habileté son large ambitus sonore dans les moments de perversion face à la naïveté d’Elsa. Le Telramund de Laurent Alvaro se fait tour à tour aristocratique et déchirant, poussant ses aigus dans ses extrêmes limites. Impérial et stylé, Nicolas Cavallier manifeste une remarquable autorité théâtrale en Henri l’Oiseleur, tandis que Philippe-Nicolas Martin se montre un Héraut du Roi convaincant lors de ses appels solennels. Le triomphe du public est à la hauteur de la qualité de ce spectacle digne des grandes heures de l’Opéra de Saint-Etienne.
Michel Le Naour
Wagner : Lohengrin - Saint-Etienne, Opéra, 11 juin 2017
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