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L’Orfeo à l’Opéra-Comique – Intensité et épure - Compte-rendu
Le rôle-titre revient ainsi à Marc Mauillon (photo), d’une éminente prestance et d’une aura vocale éclatante, jamais prises en défaut au cours d’une présence constante au long de l’œuvre. Son expression joue d’éloquence et de variations, à tel point que sa série de récitatifs, ritournelles et ariosos évite toute monotonie. Du grand art ! Luciana Mancini (photo), campe la Musica et Euridice avec un chant délié tout aussi circonstancié. Pour sa part, Sara Mingardo incarne une Messaggiera de belle envolée. Les neuf autres chanteurs solistes s’avèrent tout autant en phase et en situation, d’une vocalité assurée que l’acoustique propice de salle Favart rend d’autant présente.
Puissant et adapté, le chœur de la Capelle Reial s’épanche tout aussi ardemment, alors que les 24 instrumentistes aguerris du Concert des Nations distillent une sonorité claire d’une belle couleur, immédiatement prenante (la célèbre introduction en fanfare) et tout particulièrement pour les huit intervenants en alternance du continuo. La direction de Savall, régulière mais ferme, y est assurément pour beaucoup face à des interprètes et à une œuvre qui lui sont familiers et qu’il maîtrise parfaitement. Une restitution musicale de grande et haute tenue.
Quant à la mise en scène de Pauline Bayle – dont c’est la première incursion dans le domaine lyrique –, elle s’insère dans ce contexte qu’elle ne saurait déparer ni gêner. Puisque le plateau se présente sans artifice, sans relecture ni surinterprétation, presque minimaliste, qui défile des protagonistes sans autre fonction que leur présence et leur attribution. Il y a donc une quasi-absence de décor, hors un grand et sombre panneau vertical pour clore la scène. Les costumes se veulent d’aujourd’hui ou de tous temps, dans de vifs coloris rouges, blancs, bleus, verts, sur des pieds nus. La scène des enfers présente, comme il se doit, des vêtures tout de noir. Les mouvements et incarnations répondent à l’action des personnages, sans contorsions ni autres affabulations. Ce qui correspond d’une certaine manière à ce que cette « Favola in musica » fut en 1607, donnée dans un salon sans machinerie ni artifice scénographique. Pour fleurir la chose cependant, et seul élément de décor si l’on peut dire, les intervenants répartissent au sol des gerbes de fleurs rouges, alignées, éparpillées, ou en cercle pour le tableau final. Autre florilège, joli et peu compromettant. Trois danseurs ponctuent de leurs virevoltes et confèrent l’animation qui pourrait manquer. L’ensemble comme une épure, un rituel, en bonne adéquation avec une forte musicalité.
Pierre-René Serna
Photo ( Luciana Mancini (La Musica/Euridice), Marc Mauillon (Orfeo), chœur La Capella Reial de Catalunya © Stefan Brion
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