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Lorin Maazel et le Philharmonique de Vienne - Le GPS et la mystique - Compte-rendu

Depuis toujours, il y a du géomètre chez Lorin Maazel qui se repère comme personne dans les œuvres les plus labyrinthiques. Cette sorte de “GPS musical“ qui le dispense d’étaler les partitions devant ses yeux, en fait un conducteur d’orchestre idéal, les musiciens se sentant en sécurité face à un décideur qui ne risque pas de se perdre dans le maquis des notes qu’il a intériorisées et peut consacrer toute son énergie à guider l’orchestre dans la direction qu’il a choisie.

L’infaillibilité de sa mémoire joue même de vilains tours au chef né à Neuilly voilà 83 ans tenté parfois par la facilité du « pilotage automatique »… Ça n’est pas le meilleur Maazel. Face au Philharmonique de Vienne, au Théâtre des Champs-Elysées, le maestro n’a pas succombé à la tentation dans le monument qu’est la 8ème Symphonie de Bruckner. Il a mis toute sa science de l’orchestre, qui est fort grande, à motiver les musiciens. Ceux-ci lui ont rendu la pareille en ciselant littéralement les lignes entrecroisées de cette cathédrale sonore.

Même la version révisée de 1890 n’est pas un modèle de clarté. Né avant Brahms, Bruckner n’est pas que l’admirateur de Wagner : il n’ignore rien des premières œuvres de Mahler. Cela s’entend et doit s’entendre. On peut faire confiance à Maazel, qui a tout dirigé, comme aux Viennois, qui ont tout joué, pour dominer cet énorme kaléidoscope d’un siècle de musique allemande étonnamment fécond. Le problème est de trouver la motivation secrète pour unifier l’ensemble de cette mosaïque.

Maazel a parfois laissé les fils se relâcher perdant au passage et au total une dizaine de minutes : fatigue ? Peut-être. On s’est même un peu égaré dans les reprises du Trio ralenties à l’excès. C’est qu’en fait il n’a pas la fibre philosophique et mystique comme ce fut le cas du grand brucknérien Sergiu Celibidache qui brassait la pâte pour faire monter les tensions et sublimer une musique à la fois incroyablement naïve et terriblement savante. Question d’esthétique.

Jacques Doucelin

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 11 septembre 2013

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Photo : Chris Lee
 

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