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Lulu à l’Opéra Bastille - Plateau d’exception - Compte-rendu
Contrairement à tant d’autres spectacles, la Lulu selon Willy Decker se bonifie reprise après reprise, abandonnant sa froideur, plus fluide, plus subtile. Il faut dire que le metteur en scène, qui a l’habitude de surveiller plus ou moins ses reprises, n’est pas le seul artisan de cette évolution : les deux principaux protagonistes, Laura Aikin et Wolfgang Schöne, sont chez eux dans cette régie, et habitent le vide du dispositif avec une présence scénique de chaque instant.
Même si la colorature est devenue un peu délicate pour la soprano américaine, elle reste la grande Lulu de sa génération et pas seulement pas sa plastique (ces jambes mon Dieu ! cet œil, cette silhouette mutine, Wedekind se serait damné) : elle chante Berg comme Richard Strauss y mettant un profil vocal tenu, des couleurs à foison. C’est en soi une leçon.
On avait annoncé la prise de rôle en Docteur Schön de Vincent Le Texier, c’est finalement Wolfgang Schöne qui se réapproprie une fois de plus le personnage : acteur épatant et qui chante encore avec art un rôle qu’il évite de surcharger, autant dire un modèle. Nouveaux venus excellents : l’Alva de Kurt Streit, moins pusillanime qu’à l’habitude, semble s’amuser avec la tessiture tendue que lui a réservée Berg, donnant au personnage une profondeur inhabituelle.Et comment se retirer de l’œil la Geschwitz classieuse de Jennifer Larmore ? Enfin Yvonne Minton a trouvé un alter ego. Peintre torturé de Marlin Miller, Montreur d’animaux carnassier de Scott Wilde, Schigolch débonnaire jusque dans la débine selon Franz Grundheber, tous sont parfaits.
Et dans la fosse ? On se souvient que Bernhardt Kontarsky, avec sa baguette incertaine, avait ruiné la derrière reprise. Michael Schonwandt fait infiniment mieux, raffinant les atmosphères sans pour autant perdre de vue la mécanique implacable mise en place par Berg. Mais voila, il n’efface pas le souvenir de la direction tranchante, parfaitement réglée, presque inhumaine à laquelle était parvenue Pierre Boulez à Garnier pour le spectacle de Chéreau et la première de la version en trois actes. Souvenirs, souvenirs….
Jean-Charles Hoffelé
Berg : Lulu
Paris, Opéra Bastille, le 24 octobre
Les 28 octobre, 2 et 5 novembre 2011
www.operadeparis.fr
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Photo : Opéra national de Paris/ Ian Patrick
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