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Madama Butterfly à l’Opéra National de Grèce (Streaming) – Emonela Jaho dans son rôle fétiche – Compte-rendu
L’Opéra National Grec, Centre culturel de la Fondation Starvios Niarchos, comme la plupart des grandes instituions musicales, vient de lancer sa plateforme numérique afin de permettre la diffusion des principaux productions lyriques et chorégraphiques créées in loco. La première production à pouvoir bénéficier de ce canal est Madama Butterfly de Puccini, disponible depuis le 25 novembre et jusqu’en juillet prochain.
© Valeria Isaeva
La mise en scène épurée et terre à terre signée Hugo de Ana, n’apporte aucune nouveauté au drame puccinien ; transposée au XXème siècle, elle donne à voir une Amérique décomplexée et expansionniste, incarnée par un Pinkerton sans âme qui se moque éperdument de ce Japon où règnent les traditions et le respect d’autrui. Abandonnée par ce mari fantôme, Butterfly a beau s’occidentaliser et s’habiller à l’américaine, elle ne peut renier ses origines et mettra fin à ses jours selon les rites ancestraux, avec l’aide de sa fidèle Suzuki, prête à lui trancher la tête…
Stylisé à l’extrême, le décor, fait de quelques panneaux coulissants posés sur une colline donnant sur la mer est étique, à l’image de l’existence de l’héroïne réduite à la misère, attachée comme une Pénélope des temps modernes à confectionner un drapeau des Etats-Unis sur sa mauvaise machine à coudre. Dans son rôle fétiche, Ermonela Jaho est toujours à la hauteur de sa réputation et des enjeux de ce personnage dont elle connaît chaque recoin ; la faiblesse du bas medium l’oblige souvent à contourner les difficultés en chantant plus haut certaines phrases (surtout au premier acte), mais globalement la musicienne demeure convaincante. L’absence d’une vraie direction d’acteur la cantonne malheureusement à des gestes et à des attitudes de « secours », dont on sent qu’elle ne parvient pas à se départir et qui l’accompagnent depuis plusieurs années sur toutes les scènes.
Chrysanti Spitadi (Suzuki) & Ermonela Jaho ( Cio-Cio San) © Valeria Isaeva
Enveloppant sa maîtresse de toute sa dévotion et de son chaleureux instrument, la Suzuki de Chrysanti Spitadi offre une très bonne réplique à la cantatrice albanaise, sobre et imperturbablement solide même aux heures les plus noires. Qu’ils soient veules (Goro), concupiscents (Yamadori), brutaux (Le Bonze), lâches (Sharpless) ou franchement odieux de désinvolture (Pinkerton), les hommes dépeints dans cette histoire n’ont aucune qualité. Epinglés par Hugo de Ana qui en fait, au mieux des marionnettes (Yamadori, Le Bonze), au pire des êtres sans morale (Pinkerton), ceux-ci sont défendus avec sincérité par de bons chanteurs et en premier lieu par Dyonisos Sourbis, Sharpless au timbre racé, ainsi que par Gianlucca Terranova Pinkerton détaché, vocalement efficace. Désireux de faire un sort à chaque note et de souligner chacune des intentions musicales du compositeur, Lukas Karytinos finit par étirer la partition qui perd, malgré le raffinement de son instrumentation, de son mordant et de son intensité dramatique.
François Lesueur
Puccini : Madama Butterfly/ Disponible sur : www.ticketservices.gr/
Photo © GNO
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