Le Festival d’Auvers-sur-Oise 2024 s’est refermé le 4 juillet, au terme d’une 43^e édition au sein de laquelle le récital de Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid mérite une mention toute particulière. Il n’est plus besoin de présenter ces artistes dont le duo avait été couronné du Prix de la Mélodie au Concours Nadia et Lili Boulanger en 2019. Depuis, les carrières individuelles de chacune d’entre elles connaissent un essor considérable, la soprano se révélant autant à son aise à l’opéra que dans la mélodie, ce dans un répertoire très étendu allant jusqu’à la création contemporaine ; la pianiste se singularisant par une immense curiosité, qui la conduit à explorer quantité de raretés du répertoire – la musique de Rita Strohl, entre autres, en offre depuis quelque temps des exemples particulièrement séduisants. (1)

Autant d’activités – et de succès individuels – qui ne remettent aucunement en cause la solidité d’un duo dont l’intelligence et la complicité musicales se sont illustrées à Auvers. Le festival valdoisien a vu passer bien des légendes à l’église Notre-Dame, dont Jessye Norman, disparue il y a cinq ans et à laquelle Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid ont rendu hommage au cours d’une soirée originale qui mêlait dans un équilibre parfait la musique (germanique, française et américaine) à des lectures de courts extraits, bien choisis (et bien dits !), de l’autobiographie de la chanteuse américaine « Tiens-toi droite et chante ! » (Fayard).

Six lieder de Schubert (Ständchen, Gretchen am Spinnrade, Abschied, Der Doppelgänger, Taubenpost, Erlkönig) ouvrent le programme – une forme de test suprême pour commencer – et soulignent d’emblée la fusionnelle entente des deux interprètes, leur sens inné des caractères, la chanteuse pouvant compter sur un accompagnement d’une vie et d’une variété incroyable pour saisir tout le suc poétique des mots. Pour faire corps avec la vaste respiration de la musique aussi, comme le prouve ensuite Träume ( n°5 des Wesendonck-Lieder) dont la magique pulsation se fait aussi prenante que troublante – Marie-Laure Garnier a – et aura – beaucoup de choses à apporter dans la musique de Richard Wagner ... Un climat nocturne qui se prolonge avec les Âmes de Nuit op. 12 d’Elise Bertrand, beau triptyque de 2021 sur des poèmes de Maurice Maeterlinck et Claude Roy dont l’onirique touffeur et le ciel étoilé semblent arrêter le temps.
 

© Festival d'Auvers-sur-Oise

Changement complet d’atmosphère ensuite. Avec quel chic et quel chien La diva de l’empire et Je te veux d’Eric Satie sont-elles enlevées, avant que les jeunes femmes ne passent à Poulenc. Il est aisé d’en faire des tonnes dans les Chemins de l’amour et plus encore dans la Dame Monte-Carlo. Rien de surjoué dans l’approche de Marie-Laure Garnier, mais un tact, une sensibilité, un justesse du sentiment qui rallient à juste titre les suffrages de l’auditoire.
Il se ne se laisse pas moins conquérir par Cantata, ouvrage sans doute le plus célèbre de John Daniel Carter (1921-1991) écrit à partir de thèmes de negro spirituals. De 1959, cette partition chère au cœur de Jessye Norman apparaît on ne peut plus à sa place dans un programme à sa mémoire, défendue avec une générosité rayonnante au terme d’une soirée à inscrire dans les annales du Festival d’Auvers-sur-Oise. Générosité rayonnante qui s’est prolongée en bis avec L’hymne à l’amour.

L'édition 2024 qui n’est toutefois pas complètement terminée puisque septembre réserve deux postludes particulièrement tentants : le Quatuor (de guitares) Eclisses, le 15 septembre, pour un séduisant programme autour du cinéma, puis, le 19 septembre, Lea Desandre et l’Ensemble Jupiter dans des pages de Dowland et Purcell.

Quant à Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid, on aura le bonheur de les retrouver le 14 juillet à Cabourg aux Promenades musicales du Pays d’Auge (1) et le 16, dans le Cotentin, en ouverture de la 10e édition des Fieffés Musiciens (2).
 
Alain Cochard