Journal
Maruxa d’Amadeo Vives au Teatro de la Zarzuela de Madrid – Chef-d’œuvre musical et marée noire - Compte-rendu
Car l’œuvre se veut audacieuse, qui ne déchoirait pas face aux grandes pièces contemporaines de Richard Strauss ou Puccini, mais toutefois sans rappeler leur langage musical ou celui d’autres compositeurs du temps. Malgré certains traits expressionnistes, on ne voit ainsi pas de véritable référent à ce lyrisme constant, porté par un souffle que soutient un orchestre travaillé. Une œuvre complexe et difficile, également pour les interprètes soumis à des accents débordants ; et assurément, un chef-d’œuvre (2).
L’ouvrage n’est donc pas simple à restituer, ce qui explique sa rareté à la scène, où après ses succès initiaux il ne sera repris que de loin en loin (et la dernière fois au Teatro de la Zarzuela en 1971 !). On ne peut donc que saluer l’initiative de la direction actuelle du théâtre madrilène mené par Daniel Bianco (3), dans le droit fil d’une programmation éclectique et exigeante. Et le résultat se confirme à la hauteur des espérances.
Il faut toutefois se faire à une conception scénique, signée Paco Azorín, qui ne se contente pas de la trame originelle pour la transposer dans un contexte récent. Tic de la plupart des productions à travers la planète lyrique ! C’est ainsi que cette histoire d’amours contrariées sur fond de tempête et du pittoresque de la Galice (la Bretagne espagnole), se retrouve réactualisée dans les années 1970, au moment d’une marée noire qui salit les côtes galiciennes. Avec les personnages afférents, troupes de volontaires tout de blanc vêtus chargés de nettoyer le mazout et méchants représentants d’une multinationale pétrolière, autour et en arrière-fond des rôles primitivement dévolus à l’action. Mais dans un ensemble parfaitement réglé, même s’il n’évite pas quelques excès agaçants (comme des figurants se dénudant sous des trombes d’eau et des maculations de peinture noire pour tous !). Du théâtre contemporain en quelque sorte.
Musicalement, l’œuvre reste cependant intègre et scrupuleusement servie. La distribution vocale se révèle digne de sa tâche, qui n’est pas aisée, avec les chants assurés de Maite Alberola (photo), dans l’éprouvant rôle-titre de Maruxa, Rodrigo Esteves, Simón Orfila, Svetla Krasteva et Carlos Fidalgo. Le chœur maison intervient à propos et avec une homogénéité enlevée. L’orchestre titulaire du théâtre, qui lui non plus n’a pas la partie facile, accomplit valeureusement sa mission, soulevé par la direction fouillée de José Miguel Pérez-Sierra, dans de justes équilibres avec le plateau. Un accomplissement musical !
Pierre-René Serna
(1) Dont La villana, voir notre compte-rendu :
www.concertclassic.com/article/la-villana-damadeo-vives-au-teatro-de-la-zarzuela-de-madrid-bucolique-et-foudroyant-compte
et Doña Francisquita, voir notre compte-rendu :
www.concertclassic.com/article/dona-francisquita-au-theatre-du-capitole-exemplaire-compte-rendu
(2) À retrouver au disque : la version historique chez Novoson, dirigée avec la flamme de Ataúlfo Argenta ; ou chez Alhambra, dirigé par García Asensio, avec la Caballé.
(3) Voir l’entretien avec Daniel Bianco :
www.concertclassic.com/article/une-interview-de-daniel-bianco-directeur-du-teatro-de-la-zarzuela-de-madrid-ouvrir-les
Amadeo Vives : Maruxa – Madrid, Teatro de la Zarzuela, 25 janvier ; prochaines représentations les 31 janvier, 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11 février 2018 / teatrodelazarzuela.mcu.es/en/temporada/lirica-2017-2018/maruxa-2017-2018
Photo © Javier del Real
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