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Médée de Cherubini à l’Opéra de Montpellier – L’au-delà du woke – Compte rendu

 
 
La Médée de Luigi Cherubini, dans sa version française originale avec les vers déclamés de François-Benoît Hoffman, trouve pleinement sa place dans le bel Opéra Comédie de Montpellier. C’est la une authentique rareté puisque l’opéra le plus célèbre de Cherubini est davantage connu pour sa version italienne, sans la configuration d’opéra-comique dramatique originelle.

Après avoir été créée en février à l’Opéra-Comique, alter ego d’architecture et d’acoustique de la salle montpelliéraine, la mise en scène de Marie-Ève Signeyrole a été chaudement acclamée. L’artiste trouve en effet le juste équilibre entre mythe et modernité. Le dédoublement de Médée, une matricide contemporaine incarcérée, et la femme antique, à laquelle le costume imaginé par Yashi prête l’apparence de la Callas dans le film de Pasolini (1969), parle à nos sensibilités contemporaines sans jamais choquer ni être abscons. L’histoire est presque du pain bénit pour une lecture féministe du répertoire, tant le cas de Médée, figure de la femme flouée que sa détresse pousse au crime est puissant. Le mariage entre passé et présent fonctionne parfaitement, avec des échos contemporain jamais surlignés, comme ces femmes entourant Médée, migrantes dépenaillées soumises à la tyrannie des puissants. L’analyse en a été faite ici même (1). Le dispositif vidéo (d’Artis Dzērve, Fabien Teigné, complice de longue date de Signeyrole, signant cette fois les décors), intimiste, est utilisé sans abus.
 

© Marc Ginot

Le casting est sensiblement identique, à l’exception des choristes solistes. La Néris de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur se taille une part royale, son air avec basson obligé étant central dans le déroulé émotionnel de l’œuvre. Impeccable Julien Behr en Jason, dont la voix, vaillante de technique et suave de timbre, gomme l’antipathie du personnage.

Le Créon d’Edwin Crossley-Mercer ne baisse jamais la garde, et la Dircé de Lila Dufy jubile dans l’aigu. L'incarnation de Joyce El-Khoury en Médée impressionne à juste titre. Cependant, l’orchestre de l’Opéra de Montpellier et la direction de Jean-Marie Zeitouni restituent trop peu la virulence et l’âpreté que cette partition réclame afin de la différencier pleinement de Gluck et de Beethoven. La vision sonore d’Insula Orchestra et accentus, dirigés par Laurence Equilbey (entendue à Paris en février), les couleurs des instruments et les choix dynamiques restent une option autrement pertinente pour ce répertoire.
 
Vincent Borel
 

 
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(1) Le CR de Laurent Bury : www.concertclassic.com/article/medee-de-cherubini-lopera-comique-grandes-et-petites-victimes-compte-rendu
 
Cherubini : Médée – Montpellier, Opéra-Comédie le 8 mars ; prochaines représentations le 11 & 13 mars 2025 // www.opera-orchestre-montpellier.fr/evenements/medee/
 
Photo © Marc Ginot - OONM

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