Membre fondateur du légendaire Beaux Arts Trio (1955-2008), le pianiste Menahem Pressler (87 ans), outre une « leçon de musique » sur Mozart et Chopin, proposait un récital à La Villette. A en juger par le public nombreux venu l’écouter, sa réputation de chambriste et de professeur (à l’Université de Bloomington) n’a pas éclipsé celle de soliste.

Un programme dense, digne d’un jeune homme qui a gardé, malgré le poids des ans, bon pied, bon œil. Son attitude très concentrée rappelle, par bien des aspects, celle de son aîné Mieczyslaw Horszowski qui, dans les années 90, nonagénaire, transportait encore son auditoire à la Comédie des Champs-Elysées. Les dons de coloriste de Pressler peinent un peu à transfigurer l’architecture de la Sonate op 110 de Beethoven : le pianiste a sans doute besoin de se chauffer et de prendre possession de son espace. En revanche, les Mazurkas op 7 nos 1, 3 et op 17 n°4 de Chopin jouées de manière très personnelle ont du rythme, de l’élan et ce sens mélodique par lequel les canons se cachent sous les fleurs.

A son affaire dans les Estampes de Debussy, notre interprète crée avec un art consommé de la pédale tout un microcosme de nuances (Pagodes), un univers immatériel (La soirée dans Grenade) et incisif (Jardins sous la pluie). Morceau de résistance, la Sonate en si bémol D. 960 de Schubert file son chemin avec un naturel, une simplicité toute chambriste qui récuse l’angoisse et le tourment au profit d’une vision épurée, en apesanteur (Andante sostenuto) mais aussi gorgée de vie (Allegro ma non troppo).

Ce magicien du clavier, capable de tous les sortilèges, nous entraîne là où il veut sans que l’attention ne se disperse un seul instant. Plus qu’un récital, une leçon de musique.

Michel Le Naour

Paris, Cité de la musique, 23 mars 2011

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