Le Septembre musical Montreux-Vevey fête ses 70 ans et, à cette occasion, son directeur Tobias Richter, outre une exposition dans le hall de l’Auditorium Stravinski à Montreux relatant les grandes heures de la manifestation, a convoqué sur les bords du Lac Léman une brochette d’interprètes de renom. Parmi eux, le pianiste Mikhail Pletnev – si rare en récital depuis qu’il dirige l’Orchestre National de Russie – prouve qu’il n’a rien perdu de ses dons de magicien des sons depuis sa victoire au Concours Tchaïkovski de Moscou en 1978.

© DR / Septembre musical Montreux-Vevey

Son programme copieux sort des sentiers battus et offre un large éventail de ses possibilités tant techniques que musicales. Le Prélude et fugue en la mineur pour orgue de J.-S. Bach permet d’abord au soliste de déployer toute une palette de couleurs et de dégager des contrastes saisissants, usant d’un ambitus sonore impressionnant. La Sonate op. 7 et la Ballade op. 24 de Grieg demandent des moyens dont Pletnev se joue non seulement avec virtuosité, mais surtout avec un sens de la narration qui rappelle parfois le jeu d’Aldo Ciccolini. Poétique et subtil, son art très élaboré coule de source par sa simplicité et son absence d’effets.

Après l’entracte, trois Sonates de Mozart (KV 311, 457 & 533) sont traitées comme un triptyque à la tension envoûtante, annonciatrice de l’esprit beethovénien. Les sections lentes (en particulier celle du KV 457), sont tenues avec une intensité hypnotique, tandis que la qualité d’un toucher de dentelle apporte élégance et finesse aux mouvements rapides.
Une forme d’accomplissement, d’une perfection à couper le souffle et d’une totale liberté interprétative. Bis de la même veine : un Rêve d’amour de Liszt d’un romantisme sans pathos aux nuances infinies et le Scherzo de Borodine enlevé avec une ardeur communicative qu’apprécie Martha Argerich, présente dans la salle.   
 
Michel Le Naour

Vevey, Le Reflet-Théâtre, 31 août 2016

Photo © DR / Septembre Musical Montreux-Vevey