Dernier concert de la saison de l'Orchestre Philharmonique de Radio France et de Mikko Franck (photo) avant le départ aux Chorégies d’Orange pour Rigoletto (les 8 et 11 juillet).
La Symphonie en si mineur de Debussy, composée entre 1880 et 1881par un jeune homme de 18 ans ans au service de Madame von Meck – l’égérie de Tchaïkovsky alors en villégiature en Suisse, en Italie et en France –, participe de la curiosité. Le manuscrit de la version pour piano à quatre mains retrouvé après la mort de Claude de France a été orchestré par Colin Matthews en 2008-2009 à la demande de Valery Gergiev, alors à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam. L’influence russe se fait sentir mais aussi une fébrilité juvénile qui n’annonce pas encore la révolution des timbres et des couleurs à venir. Direction animée et fluide de Mikko Franck, comme à l’accoutumée.

Pour le 2^ème Concerto pour piano de Prokofiev, on a fait appel au Géorgien Alexander Toradze, spécialiste d’un répertoire dans lequel son énergie le dispute à un réel sens théâtral. Avec le temps, la puissance d’antan s’est un peu calmée avec une tendance à adopter des tempos parfois alanguis (Andantino initial, début du final), conception qui nuit à la continuité de l’œuvre. Malgré tout, le vieux lion peut encore rugir dans les cadences ou montrer son agilité musicale tout en recherchant un surcroît de sophistication. Accompagnement au cordeau parfaitement adapté aux humeurs du soliste.

L’intérêt de la soirée réside davantage dans l’interprétation de la Suite Lemminkäinen, composition que Sibelius remania à plusieurs reprises pour en proposer une version définitive en 1939. Les quatre morceaux inspirés du Kalevala se présentent tel un cycle dont le chef, totalement investi, se dressant même devant l’orchestre, tire des sonorités de rêve (Le Cygne de Tuonela). Avec un élan et un enthousiasme communicatif (Le Retour de Lemminkäinen), Franck entraîne les musiciens du Philhar sur les sommets avec une magnificence peu commune.  
 
Michel Le Naour

Paris, Auditorium de Radio France, 16 juin 2017

Photo : Christophe Abramowitz / Radio France