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Moïse et Pharaon de Rossini à l’Opéra de Marseille – Moïse et Anaï - Compte-rendu
Depuis plusieurs années maintenant, l'Opéra de Marseille propose des ouvrages rarement donnés, défendus par de brillants interprètes, en version de concert : c'était le cas avec Roberto Devereux en 2011, puis avec La Straniera et Les Troyens en 2013, cette saison étant consacrée à Rossini et son Moïse et Pharaon, créé à Paris et en français en 1827. Proche de l'oratorio en raison de son intrigue assez statique, de la forte présence des chœurs, de longs concertati et d'airs mêlés à de grands ensembles, cet opéra supporte très bien la forme concertante.
Directeur musical fidèle, Paolo Arrivabeni dirige correctement une partition où l'on décèle de nombreux emprunts à des œuvres antérieures, à Armida notamment, sans pour autant susciter l'enthousiasme, la lecture manque de feu, de brio et de clarté comme si le chef italien s'en tenait à une approche descriptive et restait extérieur. Avec un peu plus d’engagement, de souffle et de motivation, le concert aurait gagné en intensité et Rossini en serait sorti grandi.
Ildar Abdrazakov qui a déjà chanté Moïse aux côtés de Riccardo Muti, nous réserve une belle prestation ; même si la prononciation du français est encore perfectible, le baryton-basse phrase avec élégance, allie puissance et aisance tout en maintenant l'attention sur sa personne. Sans vraiment dépareiller, mais tout de même distribué dans un personnage au profil limité et où il a peu à dire, Jean-François Lapointe serre les dents pour venir à bout de Pharaon.
Le jeune ténor Philippe Talbot ne manque ni de courage, ni de témérité pour faire revivre les fastes vocaux du ténor Adolphe Nourrit, créateur parisien d'Aménophis. La voix est encore légère et d'un volume modeste, mais le chanteur semble armé pour se développer dans ce répertoire et y revenir avec succès s'il ne brûle pas les étapes. Julien Dran se tire honorablement du court rôle de Eliézer, à l'image de Nicolas Courjal (Osiride/Une voix mystérieuse) et du jeune Rémy Mathieu (Aufide).
Chez le femmes, la palme revient sans surprise à Annick Massis, au timbre toujours aussi séduisant et à l'instrument d'une souplesse et d'une rondeur qui siéent parfaitement à la douce Anaï, contrainte de choisir entre l'amour d'Aménophis et sa religion. Sa voix qui domine dans les ensembles et les duos, n'a pas manqué de soulever l'auditoire dans l'air du 4ème acte « Quelle horrible destinée » - comme avant elle la jeune Cecila Gasdia, au Palais Garnier, un beau soir de 1983 - prouvant une fois encore quelle grande artiste elle est.
Face à la défection de Mariella Devia – on s'interroge tout de même sur les raisons qui l'avaient poussée à accepter le rôle très acrobatique de Sinaïde ! - Sonia Ganassi et Enkelejda Shkoza se sont relayées pour sauver les représentations. Pour la dernière, Enkeldja Shkoza (entendue à Pesaro en 1997 dans le rôle de Marie), capable du meilleur comme du pire s'est montrée sous un mauvais jour, saccageant chacune de ses interventions avec d'insupportables hurlements censés s'apparenter à une ligne de chant - Mme Verrett, comme vous nous avez manquée ... (1). Bonne Marie de Lucie Roche, beaux chœurs de l'Opéra de Marseille
Prochain spectacle sur la scène phocéenne, L'Elixir d'amour (du 23 décembre au 4 janvier), mis en scène par Arnaud Bernard et dirigé par Roberto Rizzi Brignoli
François Lesueur
(1) Shirley Verrett était Sinaïde au Palais Garnier en 1983, dirigée par Georges Prêtre et mise en scène par Luca Ronconi.
Rossini : Moïse et Pharaon (version de concert) – Marseille, Opéra, 16 novembre 2014 / www.opera-marseille.fr
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