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Monte Carlo - Jean-Christophe Maillot met en scène Norma
Il est bouillant, Jean-Christophe Maillot, grand danseur chez John Neumeier, et aujourd’hui chorégraphe dont le superbe et aigu style néo-classique fait beaucoup pour les Ballets de Monte-Carlo, qu’il dirige depuis 1993. Sa curiosité et son amour de la musique sont sans limites, de Monteverdi à Kurt Weill. Et il a un énorme avantage sur les metteurs en scène de théâtre et d’opéra habituels : il n’a nul complexe de créateur à avoir, puisqu’il l’est en permanence. Donc, le voilà lancé sur le plateau lyrique pour le seul divin plaisir d’épouser la musique et non de vouloir lui extorquer quelque propos doctrinaire.
Surtout, clame-t-il avec sa franchise radicale, « je ne veux pas mettre en scène d’opéra dansant. Pour Faust, mon premier travail de ce genre à Wiesbaden, j’avais d’ailleurs enlevé le ballet ! Mon rêve, face à ces chanteurs - Hasmik Papian, Nicola Rossi Giordano et Béatrice Uria-Monzon pour sa prise de rôle en Adalgisa - dont l’adaptabilité m’émerveille, même s’il sont imprégnés de leur rôle depuis longtemps, comme Hasmik Papian, est de définir des axes gestuels chargés d’une direction émotionnelle forte, puis de les laisser libres. D’autant que la dimension réduite du plateau de l’Opéra de Monte Carlo permet de raffiner sur les conflits psychologiques. Et de les aider à gérer leur corps grâce à ma connaissance du mouvement ». Il faut que tout coule, et notamment avec le chef, Giuliano Carella.
Quant au regard posé sur Norma, il l’enrichit tout de même d’un coup de griffe personnelle, avec un personnage aux allures de fatum, son danseur fétiche Gaetan Morlotti, qui traverse l’œuvre. Et il y trouve aussi matière à son goût pour le symbole : la lune, cette casta diva dont l’ombre poétique et contraignante baigne « le cœur troublé des dieux et des hommes » (dixit Platon dans Le Banquet), la voilà devenue gong, ou œuf, pour ces perpétuels jeux de miroirs dont l’œuvre de Maillot est marquée. En contrepoint de cette vision épurée mais non transposée dans un univers trop contemporain, l’intemporalité des costumes de Karl Lagerfeld, grand habitué de Monaco, mais surtout fou d’opéra, et notamment de Norma.
Un jour Tristan ? On l’a proposé à Maillot, et voilà bien l’œuvre la moins dansante qui soit. De quoi le combler. Il y songe, tout en préparant sa saison russe, marquée par plusieurs créations chorégraphiques, un nouveau Schéhérazade et un autre Daphnis et Chloé. Après sa proie, après son ombre, Maillot court toujours, et gagne souvent.
Jacqueline Thuilleux
Bellini : Norma, Opéra de Monte-Carlo, du 20 au 27 mars 2009
Photo : DR
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