Dans le cadre des Flâneries musicales de Reims, l’ensemble Les Traversées Baroques présente un programme des plus inédits. Sous l’intitulé « Musique à la Cité des Rois », en allusion à la ville de Lima ainsi baptisée à sa fondation par le conquistador Francisco Pizzaro, s’offrent des pages du XVIe siècle jusqu’au début XVIIIe conservées pour nombre d’entre elles à la cathédrale de la capitale du Pérou. Autant d’œuvres brèves pour orchestre et chœur avec part de chant soliste, d’inspiration religieuse ou profane (sur des textes en latin, en espagnol, voire en quechua), extraites parfois de pièces plus développées, et toutes plus captivantes les unes que les autres ; en raison d’un souffle qui leur confère « une dimension monumentale, notamment par l’usage de la polychoralité » (pour reprendre le commentaire des initiateurs du projet). On s’étonne, du reste, qu’elles ne soient pas plus souvent au programme des concerts ! Mais il faut croire que les habitudes ou le conformisme règnent en la matière… En l’espèce l’idée et l’initiative de ce concert (déjà présenté il y a deux ans au festival d’Ambronay) reviennent à Judith Pacquier, directrice artistique des Traversées Baroques (ensemble où elle tient la partie de cornet à bouquin), qui elle-même doit le goût pour ce répertoire à son maître Gabriel Garrido.

© jbdelerue
 
Défilent ainsi le diaphane Duo Seraphim et l’antienne mariale Regina cæli de Francisco Guerrero (1528-1599), l’emporté Todo el mundo en general  de Francisco Correa de Arauxo (1584-1654) et l’esprit de corrida Salga el torillo (S’élance le taurillon) de Diego José de Salazar (1659-1709), trois compositeurs espagnols. Ils tiennent compagnie au chant guerrier Toquen al arma (Sonnez l’alarme) et au méditatif Magnificat de Juan de Araujo (1642-1712), au touchant Desvelado dueño mio (Mon maître tu ne dors pas) de Tomás de Torrejón y Velasco (1644-1728), compositeurs natifs d’Espagne mais ayant cette fois fait carrière dans les Amériques. Ainsi qu’à un Salve Regina du pur Bolivien Blas Tardío de Guzmán (c 1694-1762), à côté de pages d’attribution anonyme, Dulce Jesus Mio en forme de procession, l’offrande religieuse Salve Regina et le piquant Un monsieur y un estudiante. Un parcours divers dans des sonorités qui le sont pareillement.
 

© jbdelerue
 
Dans l’écrin néo-gothique façon XIXe siècle de la petite chapelle Saint-Joseph de Reims, l’interprétation n’appelle que des éloges. D’autant qu’elle se conjugue d’effets de spatialisation, avec les interprètes se déplaçant sur les côtés ou en fond de l’église, en sus de jeux de lumières changeantes. Les neuf instrumentistes et les sept chanteurs des Traversées Baroques, formation basée à Dijon, excellent dans l’osmose comme dans l’individualité. On remarque tout particulièrement l’élan des sopranos Capucine Keller et Dagmar Šašková, de la mezzo Axelle Verner, de l’alto Maximiliano Baños, du ténor Vincent Bouchot et de la basse Renaud Delaigue. Sous la direction enlevée d’Étienne Meyer (directeur musical de l’ensemble, photo), une plongée dans des couleurs aériennes, ferventes, festives ou tumultueuses. Grand et large moment, auquel le public réserve un mérité accueil trépident !
 
Quant aux Flâneries musicales de Reims, elle se prolongent jusqu’au 12 juillet, avec une programmation éclectique où les amoureux de baroque relèveront la présence, le 7 juillet, de l’admirable Ensemble Diderot de Johannes Pramsohler dans des pages de Muffat, Biber, Weichlein, Telemann et Mozart. (1)
Quant au rituel Concert pique-nique, cher on le sait au cœur des rémois, rendez-vous le 22 juillet au Parc de Champagne (2) avec l’Orchestre de la Garde Républicaine (dir. Léo Warynski) et l’Orchestre Symphonique Départemental des Jeunes Marnais ( dir. Yann Molénat) !
 
Pierre-René Serna