Journal
Nabucco selon Marie-Eve Signeyrole à l’Opéra de Lille – Violent et foisonnant – Compte-rendu
Loin du passéisme historique de certaines mises en scène de Nabucco, Marie-Eve Signeyrole a choisi de frapper un grand coup en actualisant le propos autour de la question des origines, des luttes entre César et Dieu, de l’asservissement des hommes, le tout dans une dramaturgie éclatée demandant beaucoup d’attention parfois au détriment de la musique. Les décors de Fabien Teigné ne craignent pas non plus une lecture contemporaine chargée, voire insistante où défilent prison, caméras de surveillance, vidéos omniprésentes comme si l’image occupait tout l’espace. Jérusalem et Babylone deviennent – kalachnikovs, militaires armés, ceintures d’explosifs à l'appui – l’expression d’un Moyen-Orient de notre temps si tragique.
Dans cet univers pesant mais non dénué d’imagination, le théâtre est incontestablement convoqué malgré un foisonnement d’événements difficile à suivre. Les chanteurs s’imposent avec des bonheurs divers au sein d’une distribution relativement équilibrée. Le baryton géorgien Nikoloz Lagvilava, excellent comédien, voix puissante et héroïque, affronte avec prestance le rôle de Nabucco dont il réussit à faire ressortir l’évolution de la personnalité, depuis l’autoritarisme du roi sûr de son fait jusqu’à la folie et la conversion au judaïsme. En revanche, la basse Simon Lim ne restera pas, par ses limites, comme un Zaccaria inoubliable, alors que Robert Watson en Ismaele se montre intense et poignant. L’Abigaille de Mary Elizabeth Williams impressionne par sa stature bien qu’elle ait tendance à trop tendre ses aigus ; quant à Victoria Yarovaya, timbre profond et belle projection, elle incarne une Fenena très musicale. Prestation réussie d’Alessandro Guerzoni en Grand Prêtre de Baal, de Jennifer Courcier en Anna et de François Rougier en Abdallo (il fut récemment Juliano dans Le Domino noir d’Auber à l’Opéra-Comique).
Chef verdien reconnu et ancien assistant de Riccardo Muti à la Scala, Roberto Rizzi Brignoli ne ménage pas ses troupes et exacerbe les contrastes ; toutefois, il possède un sens inné de la narration et connaît son Nabucco comme personne. Son geste ample et son engagement chauffent à blanc l’Orchestre de National de Lille qui fait preuve de lyrisme sous cette battue généreuse. Les Chœurs réunis des Opéras de Lille et de Dijon, très sollicités, témoignent d’une belle cohésion et d’une justesse de ton grâce à la préparation soignée de Yves Parmentier. Quelque peu bousculé par la violence du spectacle, le public tarde à se manifester (y compris dans « Va pensiero ») mais applaudit chaleureusement à la fin de l’ouvrage. Devant un écran géant et avec une sonorisation amplifiée, la foule s’est pressée place du Théâtre pour assister à la captation exceptionnelle de l’opéra diffusé dans 28 villes des Hauts-de-France. A Lille, la culture est toujours au rendez-vous !
Michel Le Naour
Lille, Opéra, 26 mai ; prochaines représentations les 28 et 31 mai, 3 et 6 juin 2018 // www.opera-lille.fr/fr/-saison-17-18/bdd/cat/opera/sid/99698_nabucco
Photo © Frederic Iovino
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