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Nancy - Compte-rendu : Zanetto/Paillasse - « Maledetto l’Amore »
Rompant avec le traditionnel couplage Cavalleria/Paillasse, Jean-Louis Martinelli préfère Zanetto/Paillasse et illustre de façon admirable le travestissement amoureux. Pour Zanetto, il propose une illustration nocturne sur fond de ciel étoilé d’un coming out impossible entre la courtisane (Sylvia) et Zanetto. La voix du jeune garçon, selon la tradition lyrique du 18ème siècle, étant clairement désignée comme corps féminin, c’est donc ici le désir d’une relation homosexuelle inavouée dans la chaleur d’une nuit d’été, sous le regard d’une des villes les plus féminines d’Italie, Florence.
Hiromi Omura incarne Sylvia. Son soprano lyrique aux aigus amples et généreux, au médium corsé doublé de graves somptueux, où le corps tout entier brûle sous la morsure de cette impossible relation, lui permet de passer sans forcer une orchestration luxuriante.
Karine Deshayes, Zanetto, lui donne une réplique exemplaire. Sa voix cuivrée, doublée d’une plastique généreuse, permet de justifier l’option de l’homosexualité latente retenue par Martinelli. Deux voix qui s’entrelacent sur un tissu musical à l’orchestration enivrante.
Si Zanetto se déroule dans un « paysage mental », pour reprendre les termes du metteur en scène, Paillasse situe l’arrivée de la troupe de théâtre de rue dans un entrepôt désaffecté, transformé en un lieu de diffusion de manifestations artistiques.
Sitôt le Prologue chanté admirablement par Adrian Gans (Tonio), timbre cuivré, à la voix noire, qui, de plus, nous gratifie d’un splendide la naturel, les personnages de la troupe sont présents devant le rideau, et soulignent par leurs réactions la jalousie maladive qui empoisonne les relations entre Nedda et Tonio.
Hugh Smith (Canio) possède la stature vocale exacte du personnage, sa voix de lyrico spinto, lui permet de soutenir la tessiture sans forcer et de donner un « Ridi Pagliacci » d’une grande sobriété, sans les grimaces et pleurs habituels, où les émotions passent uniquement sur le visage. Dans la scène finale, il convainc par une sauvagerie sans outrance, sans rien de forcé.
Nancy nous permet de découvrir l’Américaine Lisa Daltirus, rayonnante dans le rôle de Nedda. Une voix ample aux aigus tranchants, au timbre laiteux, qui n’est pas sans rappeler une certaine Leontyne Price.
Silvio bien chantant de Nigel Smith, à la voix un peu sombre pour le personnage. Excellent Beppe de Sébastien Guèze, qui, dans la sérénade d’Arlequin, fait montre d’une grande souplesse que vient compléter une superbe mezza voce.
A la tête de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy et des chœurs, à la cohésion parfaite, Paolo Olmi, le nouveau directeur musical, en véritable triomphateur de cette soirée, cisèle chaque détail de partitions qu’il maîtrise impeccablement. Richesse des accents, intelligence des phrasés, une prestation philologique que l’on aimerait entendre plus souvent dans ce répertoire.
Bernard Niedda
Leonvavallo, Zanetto et Pagliacci, Opéra National de Lorraine - le 22 juin 2007
Photo : DR
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