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Nicholas Angelich, Andris Poga et l’Orchestre National Symphonique de Lettonie à la Philharmonie – Grande rencontre – Compte-rendu
Révélé par le Premier Prix du Concours Evgeny Svetlanov en 2010 à Montpellier (1), le Letton Andris Poga (né en 1980) s’est depuis affirmé parmi les plus remarquables chefs de la nouvelle génération et le public français a eu l’occasion de l’entendre à de nombreuses reprises (signe qui ne trompe pas, Tugan Sokhiev lui cède volontiers la baguette à l’Orchestre du Capitole). Cette fois, c’est à la tête de l’Orchestre National Symphonique de Lettonie –dont il est directeur musical depuis la rentrée 2013 – que l'on a retrouvé l’artiste pour un unique concert parisien à inscrire parmi les grands moments symphoniques de l’automne dans la capitale.
La célébration du centenaire de la naissance de l’Etat de Lettonie obligeant, un compositeur national, Pēteris Vasks (né en 1946), ouvre le programme avec Musica Appassionata. Cet ouvrage pour cordes, un tantinet longuet et redondant, souligne toutefois la qualité et l’homogénéité des archets de la phalange balte – la pièce se termine morendo et tend la main aux dernières mesures de l’Adagio lamentoso de la «Pathétique », placée en seconde partie.
Grande rencontre que celle de Nicholas Angelich et d'Andris Poga dans le 4ème Concerto de Rachmaninov. On la guettait avec impatience compte tenu des affinités du pianiste avec ce répertoire et de la rareté du Concerto en sol mineur en concert. Les 2ème et 3ème Concertos et la Rhapsodie sur un thème de Paganini le devancent largement en popularité mais, pour tous les vrais amoureux de la musique du Russe, l’Opus 40 constitue un met de choix, au même titre que la 1ère Sonate et les Variations Corelli côté piano solo.
Nicholas Angelich © Jean-François Leclercq
Nicholas Angelich est un modèle parfait d’ « anti-star » mais aussi, on ne le répètera jamais assez – sa modestie dût-elle en souffrir –, l’un des très grands pianistes d’aujourd’hui. Vrai bonheur que de le retrouver aux côtés d’un maestro et d’un orchestre à sa hauteur. Le tempo relativement large adopté dans le premier mouvement du 4ème Concerto n’est qu’un moyen pour le soliste de mieux sonder les richesses de la partition. Aucun alanguissement : prégnance du chant, plénitude d’une sonorité sculptée jamais menacée par une quelconque saturation, travail sur le timbre (Angelich joue un superbe Steinway), intelligence rythmique (le chef n’éblouit pas moins sur ce plan) : tous les paramètres sont réunis pour rendre justice à une alliance de lyrisme et d’abstraction, qui caractérise plus encore le Largo, avant que ne surgisse l’Allegro vivace final où Angelich peut, comme depuis le commencement, compter sur la précision et le dynamisme de la baguette de Poga. On se prend à rêver d’une intégrale de l’œuvre concertant de Rachmaninov par un tel tandem... Rêverie des Kinderzenen de Schumann en bis, à se damner de poésie et de simplicité.
Place à Tchaïkovski après la pause avec une Symphonie n° 6 dans laquelle le maestro letton rejette les facilités du technicolor et les coups de zoom dont cette œuvre a tant souffert au profit d’une approche anti-spectaculaire et très fouillée. La vaste palette dynamique que le compositeur déploie est respectée avec un soin extrême et, comme dans le concerto, on est frappé par le niveau d’un orchestre d’un rare équilibre, et captivé par l’intensité d’une interprétation qui prend tout son sens dans l’émouvante et mystérieuse sobriété du finale.
Alain Cochard
Paris, Philharmonie, 23 octobre 2018
(1) www.concertclassic.com/article/compte-rendu-montpellierain-desormais-2eme-concours-international-de-direction-evgeny
Photo © noslegums-kvadr
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