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Norma à l’Opéra de Lausanne - Subtile baguette - Compte-rendu
Le rôle des rôles des prime donne serait-il définitivement destiné à rester dans la légende des Callas, Sutherland ou Caballé, selon affinités ? Ce n'est en tout cas pas l'Opéra de Lausanne et Hiromi Omura qui risquent d’enrichir la liste. Émission, aigus, vibrato et même italien, tout semble forcé chez la soprano japonaise. Les sublimes volutes de « Casta Diva » respirent l'effort de l'équilibriste plutôt que la pureté d'une ligne mélodique au temps suspendu dont Bellini avait le secret. Heureusement, contrairement à son héroïne, Hiromi Omura était bien entourée par le Pollione solide et tenu de Giuseppe Gipali (superbe « Va Crudele ») et surtout une Béatrice Uria-Monzon qui a retrouvé toute sa force dramatique en Adalgisa, en se taillant sans peine la part du lion dans les grands duos au centre de chacun des actes.
La mise en scène de Massimo Gasparon consiste sommairement à planter le décor : un temple à colonnes d'où surgiront des soldats romains en longues capes violettes et lances à pompons, puis au deuxième acte une déesse Shiva en or « massif », sans doute pour mondialiser le mythe... Mystères de l'esthétique italienne !
Mais ces scories n'avaient finalement pas beaucoup d'importance devant l'intelligence de Roberto Rizzi-Brignoli (photo), un chef bien décidé à rendre justice à la partition de Bellini. Il avait déjà dirigé cet été à Orange un Rigoletto d'anthologie où la force dramatique était enfin débarrassée de toute facilité folklorique. Et ce n'est pas pour rien si Verdi admirait ces « longues, longues, longues mélodies » de Norma, qui transforme le bel canto canonique en véritable théâtre dramatique. Les récitatifs lorgnent vers l'arioso et se fondent avec les plus grands airs en de grandes scènes en musique portées par un seul et même souffle qui fera l'admiration de Wagner. Norma est le plus beau trait d'union entre Mozart et Verdi, sommet belcantiste pour la ligne de chant et pourtant déjà structurée comme un véritable drame en musique. Le final du deuxième acte en forme de concertato avec choeurs et air imbriqué fait d'ailleurs immanquablement penser au grand finale du deuxième acte de La Traviata.
Verdien accompli (Roberto Rizzi-Brignoli dirigera à Dijon en décembre la reprise de la production de La Traviata présentée à Aix cet été), le chef milanais ne manque aucun rendez-vous de Norma avec la modernité. Là où tant d'autres se contentent de jouer les accompagnateurs, lui sait mettre en avant les subtilités d'une partition tour à tour élégiaque, martiale, héroïque, sentimentale ou tragique. Pour l'introduction au duo infini de Norma et Adalgisa du deuxième acte (quatre mélodies à couper le souffle), il prend soin de traduire dans l'orchestre cette couleur particulière à Bellini, cette forme de mélancolie épique dont l'humeur résignée se tient toujours un peu en retrait des situations du livret. À l'inverse, pour le « Mira, o Norma » à la fin du duo, il sait ne pas forcer sur la corde mélodramatique pour garder une grâce presque mozartienne aux adieux des deux femmes, fausses rivales compatissantes.
Mais surtout, pendant que le modeste plateau vocal réuni à Lausanne se débat comme il peut dans les grandes étendues des airs de belliniens, Rizzi-Brignoli continue à nouer le drame. Toujours à l'aise dans le répertoire romantique italien, l'Orchestre de chambre de Lausanne lui prête volontiers la main. Martiale sans être pompière la symphonie d'ouverture annonçait déjà un tigre dans la fosse. Ses violons agités en cascade, qui n'auraient pas déplu au Verdi d'Ernani quelques années plus tard, précipitaient déjà les personnages dans leur sort funeste. Une façon, si l’on peut dire, de leur imposer la force du destin.
Luc Hernandez
Bellini : Norma – Lausanne – Opéra (Théâtre de Beaulieu), 28 octobre 2011
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Photo : DR
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