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« Onéguine », d’après Pouchkine et Tchaïkovski, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis – Onéguine, si proche – Compte-rendu
Que l’on connaisse un peu, beaucoup ou pas du tout le texte de Pouchkine ou la musique de Tchaïkovski importe peu. Le spectacle Onéguine, mis en scène par Jean Bellorini, dans une nouvelle traduction, extraordinaire, d’André Markowicz (1), invite à les rencontrer intimement.
Onéguine est un être ambitieux, esthète, fort et fragile, aimable et détestable. Il va passer à côté de l’amour, à côté de sa vie, en somme. Tragique histoire de passions ; il n’est pourtant ici question que de musique. Celle des mots, des vers en l’occurrence, celle de Tchaïkovski, finement arrangée pour l’occasion et de ces bruits de la vie qui concourent à ouvrir l’imaginaire du spectateur-lecteur-entendeur-acteur (formidable réalisation sonore signée Sébastien Trouvé).
Dispositif scénique bifrontal – tout le monde peut se voir (ou pas) –, mince allée centrale où circulent les cinq comédiens-musiciens-diseurs (ceux-là mêmes qui offraient la virtuose polyphonie d’Un Fils de notre Temps au TGP en 2015), un piano droit, quelques bougies, quelques chaises, deux tables. Et la lune, bien sûr.
© Pascal - Victorartcompress
Tous, acteurs-musiciens, lecteurs-spectateurs, ont à disposition un casque, qui invite à goûter, en immersion totale, à chaque vers, à chaque nuance poétique ou note de musique, bruit de bouchon de bouteille, de galop de cheval ou de neige qui crisse sous les pas. Du petit micro baladeur, relai de paroles des comédiens, les voix parviennent jusqu’au plus profond de nos oreilles, et le texte chante. Les comédiens (Clément Durand, Gérôme Ferchaud, Antoine Raffali, Matthieu Tune), et une comédienne-pianiste (Mélodie-Amy Wallet), disent tour à tour les mots intenses de Pouchkine, rendus si accessibles qu’on en oublie les vers et les pieds, pour n’en ressentir que l’infinie grandeur.
Deux heures d’émotions, de sons d’hiver, de duels insensés ou de missives éperdues, de fêtes galantes, si tristes, de musique, de solitude et de destins gâchés. Un souffle incontestable porte ce spectacle de facture minimaliste à des fins nomades, qui nous piège comme la glace, comme le feu. Oreilles ouvertes, les yeux fermés ; Onéguine n’a jamais paru si proche.
Gaëlle Le Dantec
(1) Actes Sud (Babel)
« Onéguine », d’après Pouchkine et Tchaïkovski – Saint-Denis, Théâtre Gérard-Philipe, jusqu’au 20 avril 2019 : www.theatregerardphilipe.com/cdn/oneguine
Reprise du 21 au 25 mai 2019 à Marseille (la Criée) // www.theatre-lacriee.com/programmation/2018/eugene-oneguine.html
Photo © Pascal - Victorartcompress
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