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Orphée et Eurydice à Saint-Etienne - Minimalisme in progress - Compte-rendu

Pour cette nouvelle production d’Orphée et Eurydice coproduite avec le Ballet de Marseille, l’Opéra de Saint-Etienne a confié la scénographie à un célèbre plasticien flamand. Un empilement de morceaux de sucre pour une skyline de grande métropole, des bouteilles en plastique métamorphosées en vue urbaine derrière la baie d’un loft, un morceau de tulle agité par deux mains transsubstantié en vagues sous le soleil vespéral : de matériaux très ordinaires, voire insignifiants, Hans Op de Beeck en fait des tableaux épurés. S’il atteint des moments de poésie sublime, tels les bonzaïs de polystyrène sous un éclairage lunaire, la construction à vue des images cinématographiques n’évite pas cependant des transitions brouillonnes.

A cette paradoxale alliance de radicale économie de moyens et de profusion répondent la mise en scène et la chorégraphie de Frédéric Flamand, qui se nourrissent d’influences minimalistes multiples – Bob Wilson ou Sacha Waltz entre autres – au risque de donner à ce produit d’une imagination fertile une allure syncrétique au goût rémanent de déjà-vu. De Sacha Waltz, le directeur de la compagnie marseillaise a repris l’attitude presqu’épigonale envers l’héritage de Pina Bausch, et surtout un intérêt marqué pour l’improvisation, sensible dans des ensembles privilégiant la dynamique au fini et à l’impact expressif. La dualité entre l’Orphée blanc et le noir se laisse plus deviner qu’approfondir tandis que la duplication des chanteurs par les danseurs ne démontre rien de nouveau. Les costumes, actualisés, dégagent quant à eux sans doute trop de paillettes pour faire vivre des archétypes, qu’ils dégradent presque au rang de stéréotypes.

Si le visuel, perpétuellement in progress, laisse souvent perplexe, l’oreille se console heureusement avec l’Orphée de Varduhi Abrahamyan, charnu et fruité, d’autant que dans la version de Berlioz ici présentée, la mezzo bénéficie d’une tribune élargie. La diction n’est par ailleurs que très modestement pénalisée par cette émission ronde et généreuse. De l’Eurydice d’Ingrid Perruche, on retiendra davantage une émission souvent indurée, aux aigus arrachés, stigmates des altérations subis par un matériau à l’ampleur pourtant intéressante dans un rôle généralement distribuée à des formats plus légers. En Amour, Maïlys de Villoutreys correspond aux standards acidulés réservés au personnage.

Après une mise en place progressive, l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire exhale de belles couleurs, qui doivent sans doute davantage à la relecture de Berlioz que les saveurs plus frustres de la réforme gluckiste. Vigilant au plateau vocal, Giuseppe Grazioli privilégie des tempi modérés, sans pour autant se priver au besoin du frémissement de la fureur dans les Enfers. Préparés par Florent Mathevet, le Chœur Lyrique Saint-Etienne Loire satisfait honorablement aux exigences parfois contradictoires de l’intelligibilité et du volume sonore.

Gilles Charlassier

Gluck/Berlioz : Orphée et Eurydice – Saint-Etienne, Opéra-Théâtre, 13 juin 2012, prochaines représentations, les 15 et 17 juin 2012.

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Photo : DR
 

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