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​« Osez Haendel ! » par Sandrine Piau, Eve-Maud Hubeaux et les Talens Lyriques (Streaming Arte Concert) – A fleur de Piau – Compte-rendu

Alors que le premier confinement a permis aux mélomanes de goûter aux joies du streaming avec la mise à disposition de quantité de concerts et de spectacles parfois anciens, celui que nous traversons met l’accent sur le live. Beaucoup de manifestations musicales sont ainsi sauvées, car à la fois captées et retransmises en direct sur les chaînes traditionnelles ou sur le net. Après L’Instant Lyrique de Sandrine Piau (le 4 novembre sur youtube), c’était au tour de Christophe Rousset de jouer sans public au Châtelet le 8 novembre, dans les conditions du concert, pour Arte Concert. Et comme il aurait été regrettable que ce bel hommage à Haendel passe tout simplement à la trappe !

Parfaitement à l’aise dans ce répertoire qu’ils explorent depuis si longtemps, les Talens Lyriques sont devenus sous la houlette de leur chef, d’incontournables ambassadeurs de Haendel. En témoignent une versatilité dans le choix des ouvrages, de la jeunesse et de la maturité, qui démontrent à la fois leur intérêt pour cet auteur prolifique et la qualité de leur interprétation. Des trois ouvertures retenues dans ce riche programme, celle de Giulio Cesare menée tambour battant par Rousset est sans doute la plus électrisante, mais quelle sensualité, quelle douceur, quelle quiétude au moment de dépeindre l’entrée des « Songes agréables » issue du ballet d’Alcina (acte 2) sur laquelle plane une apparente harmonie, aussi vite remise en cause par l’arrivée du « Combat » qui sème la tempête au sein de l’orchestre. Martiale, l’ouverture de Solomon n’en est pas moins grisante, celle de Tamerlano dégageant une réelle noblesse, alors que la Chaconne extraite d’Il pastor fido sonne avec une infinie finesse. Rigoureuse, sans être corsetée, la direction de Rousset prend le temps de respirer et de laisser le temps à chaque instrument de s’exprimer, même si son intervention est fugace et qu’elle se fond aussi vite dans le tissu orchestral.
 

 Christophe Rousset © Ignacio Barrios

Cet idyllique tableau ne saurait être complet sans la voix, autre instrument adoré de Haendel. Le timbre métallique et engorgé de la jeune mezzo Eve-Maud Hubeaux, qui a déjà collaboré avec Rousset dans Rinaldo, Alcina, Giulio Cesare et Agrippina, n’est sans doute pas idéal pour restituer toutes les splendeurs de l’écriture du « caro sassone » : le vif tempo de l’air de Nerone « Come nube che fugge dal vento » (Agrippina acte 3) privé de couleur, la montre en panne d’imagination pour relancer le da capo et éviter la répétition, l’air d’Andronico « Cerco invano » issu de Tamerlano étant handicapé par des problèmes d’intonation.
Fort heureusement Sandrine Piau (photo) est là pour rehausser le niveau : avec cette Alcina tardivement abordée à la scène (à Bruxelles en 2015 dans une mise en scène de Pierre Audi) mais avec Rousset et les Talens Lyriques, compagnons de longue date, les nuages se dissipent et le ciel s’illumine. Enragée contre cet amant adulé, Ruggiero, qui la fuit, la magicienne fulmine dans un récitatif habité avant de se lancer dans un dédale de vocalises (« Ombre pallide ») avec l’énergie du désespoir. Plus loin la soprano est bouleversante dans le magnétique « Piangero » chanté par une Cleopatra qui s’imagine un instant perdre son pouvoir sur ce Giulio Cesare qu’elle convoite. Maîtrise de la ligne de chant, concentration maximale, émotion à fleur de peau, Piau est exemplaire, aussi vibrante dans la lamentation, qu’électrisante dans le « Da tempesta » où la musicienne se joue aisément des trilles, piqués et autres vocalises escarpées. Avec Cornelia et son « Priva son d’ogni conforto », Eve-Maud Hubeaux, malgré l’extrême lenteur, se tire à peu près d’affaire avant d’accompagner sa partenaire dans le duetto « Piu amabile belta », où ce Cesare androgyne n’a finalement d’yeux – et d’oreilles – que pour sa brillante Cleopatra et comme nous le comprenons ...

François Lesueur

 Paris, Théâtre du Châtelet, 8 novembre 2020 //Disponible à la réécoute sur : www.arte.tv/fr/videos/100647-000-A/les-talens-lyriques-interpretent-haendel-au-theatre-du-chatelet/

Photo © Antoine Le Grand / Naïve

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