Journal
Ouverture du Festival de Pâques à Deauville - Saveurs intimes - Compte-rendu
La musique, dit on, adoucit les mœurs. De là à penser qu’elle fait bon ménage avec le soleil, on est loin ! L’ouverture du Festival de Deauville, en son premier week-end, en a pâti. Même si le public qui a investi la salle historique du Casino Barrière, s’est montré enthousiaste, il faut avouer que le beau temps triomphait de Ravel, Debussy ou Brahms. Et pourtant que de merveilles dans la corne d’abondance déversée dans ce théâtre, lequel, pour n’avoir pas le charme si fin de la Salle Elie de Brignac (en travaux pour deux ans), n’en porte pas moins une charge d’histoire non négligeable. Entre les bruits de pièces et les appels du jeu, cette plongée dans la musique de chambre sonnait comme un refuge.
A Deauville, on parle yearlings, et ceux de l’année, puisque telle la règle qui prévaut ici, sont de bonne souche. Yves Petit de Voize continue de chercher le meilleur des jeunes talents, et mieux encore, de les harmoniser. Avant toute considération stylistique il faut saluer l’air de bonheur qui relie ces jeunes gens, dont certains ont à peine vingt ans, comme Adrien Boisseau ou Yan Levionnois. D’emblée, le festival s’est offert une ouverture à la française : menu étagé de manière subtile, ouvert sur la Petite Suite pour piano à quatre mains de Debussy, conduite avec une fine complémentarité par Guillaume Vincent et Jonas Vitaud. Vitaud qui était une des chevilles ouvrières de ce programme puisqu’il jouait ensuite le troisième larron dans le Trio en la mineur de Ravel, tissé d’une sourde angoisse, au sein de ses exercices d’école virtuose. Complices aussi, Amaury Coeytaux et l’étonnant violoncelle de Victor Julien-Laferrière, dont on allait plus encore apprécier la plénitude le lendemain dans Brahms. Puis Morceaux en forme de poire, de Satie, en guise de trou normand, pour permettre aux deux pianistes de jouer les compères, enfin final acidulé avec Poulenc et son Sextuor.
Le lendemain, changement de cap, et profondeur germanique, creusée avec passion par huit jeunes musiciens, dont la prometteuse Alexandra Soumm, encore un peu verte, et l’effarante Mi-Sa Yang, giclant de sa chaise à chaque coup d’archet, tant l’emporte la vigueur de son jeu. Autour, des messieurs plus contrôlés, dans Strauss et sa Sonate en mi bémol majeur, op 18, puis le fin Quatuor de Mahler, loin de ses emportements futurs, et sommet, le Sextuor de Brahms, si équilibré en ses émotions graves que les interprètes y puisaient une force commune. On l’a dit, mais on le répète, on n’oubliera pas le violoncelle de Victor Julien-Laferrière, émergeant comme une voix d’ange de cette tourmente acceptée. Mais autour de lui, ni Adrien Boisseau, ni Adrien la Marca, ni Yan Levionnois ni Guillaume Vincent n’ont démérité. Magie de la musique ainsi vécue : exalter l’unité, respecter l’individualité.
Jacqueline Thuilleux
15e festival de Pâques de Deauville - Théâtre du Casino Barrière, le 9 et 10 avril 2011. Infos : www.musiqueadeauville.com
> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?
> Lire les autres articles de Jacqueline Thuilleux
Photo : Yannick Coupannec
Derniers articles
-
21 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
19 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
17 Décembre 2024Alain COCHARD