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Paavo Järvi et l’Orchestre de Paris - Harmonie des contraires - Compte-rendu
Entre le concert de l’Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi et la rédaction de ces lignes, on aura appris que le Ministre de la culture a fait Commandeur de l’Ordre des Arts et Lettres le chef estonien en « reconnaissance du travail remarquable qu’il a accompli avec l’Orchestre de Paris depuis sa prise de fonction de directeur musical en septembre 2010 ». C’est là entière justice envers un artiste qui a su donner un souffle nouveau à la phalange parisienne au moment opportun.
Harmonie des contraires que celle engendrée par un programme contrasté qui s’ouvre par Le Tombeau de Couperin et se referme sur Le Sacre du printemps. Järvi signe une version irrésistiblement tendre de la partition de Ravel. Tout l’orchestre est à l’écoute d’un chef qui nuance à loisir la palette sonore (somptueuse petite harmonie !) pour dire l’hommage ému du maître français à un XVIIIe siècle admiré – et ce sans que les amoureux de l’original pour piano ne ressentent la moindre frustration.
Suit le dramatique Concerto n°24 ut mineur de Mozart sous les doigts d’Andreas Haefliger. Las !, de drame on n’en trouve guère chez un soliste qui semble ne jamais parvenir à s’installer dans la partition et manque d’engagement et de fièvre. Ah, Mozart… Il se rattrape heureusement après avec une création signée de Karol Beffa(photo) : La Vie antérieure. Après la mélodie Le Port et la pièce Paradis artificiels, créée par l’Orchestre du Capitole de Toulouse en 2007, le compositeur (né en 1973) renoue avec l’inspiration baudelairienne dans un concerto d’un seul tenant (une quinzaine de minutes) où s’expriment son amour de la couleur et la dimension visuelle et hédoniste qu’il aime à cultiver. Les interventions du piano sont pareilles à des incrustations dans un riche tissu orchestral dont Järvi soigne le relief pour mieux souligner l’étroite imbrication avec la partie soliste.
Après le virtuosissime Concerto n°1, écrit pour Boris Berezovsky (et créé par ce dernier et Tugan Sokhiev à Toulouse en mai 2009), l’art de Karol Beffa se montre un jour différent dont l’onirisme de la dernière section de l’ouvrage révèle clairement la source. Accueil enthousiaste d’un public que Haefliger gratifie d’un Orage lisztien – Le mal du pays ou Les cloches de Genève eussent été plus appropriés compte tenu de ce qui avait précédé…
Changement complet de climat en seconde partie ; Järvi s’empare du Sacre avec une force singulière. « Tableaux de la Russie païenne » : c’est bien de cela dont il est question dans une interprétation qui n’a rien à faire du « regardez-bien-comme-cette-partition-incroyable-de-modernité-pour-son-époque-le-demeure-aujourd’hui ». Le maestro empoigne la musique et emporte son auditoire dans une formidable et barbare progression dramatique - on n’est pas près d’oublier les timbales de Frédéric Macarez ! L’un des plus parfaits exemples de l’accord entre l’Orchestre de Paris et son directeur musical qu’il ait été donné d’entendre. Magistral !
Alain Cochard
Paris, salle Pleyel, 8 novembre 2012
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Photo : DR
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