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Paloma Kouider interprète Beethoven – Stimulante mise en perspective
Les disques enregistrés pendant la période de la crise sanitaire du début de la décennie ne brillent pas tous – c’est un euphémisme ... – par l’originalité du programme et l’utilité pour la discographie, mais il est des exceptions, tel le récital Beethoven de Paloma Kouider sorti chez By Classique sous l'intitulé "Ludwig versus Beethoven"(1) L’attachement de la pianiste au compositeur allemand n’est plus à dire ; on se souvient qu’il figurait, en compagnie de Liszt, sur son tout premier disque (enregistré en 2010 pour Lyrinx) et qu’elle a beaucoup fréquenté sa musique en concert.
La même matière spirituelle
C’est pendant la période covid que lui est venue l’idée d’un programme mêlant des pages du tout premier Beethoven à des réalisations tardives, les Bagatelles op. 119 et 126. « Beethoven a commencé à composer très tôt et l’on connaît peu ses premières réalisations, remarque Paloma Kouider. » Partant de ce constat, elle a mêlé aux deux opus précités les Variations sur un thème de Dressler WoO 63 (1782), témoignage précoce de l’attachement du compositeur à une forme à laquelle il demeura fidèle sa vie durant, le Rondo « Colère pour un sou perdu » (1795) et la Sonate WoO 47 « à l’Electeur » (1782). Une stimulante mise en perspective qui, outre de donner à entendre des pièces rares, permet de dégager des constantes dans l’écriture de Beethoven, en particulier « sa manière d’aller assez rapidement à des points de rupture, souligne la pianiste. C’est un compositeur qui va jusqu’au bout du bout. On entend très tôt quelque chose de facilement noir dans l’humeur, et un goût pour les ruptures d’humeur. » Une évolution – et quelle ! – se produira évidemment au fil des ans, mais « c’est toujours le même homme, la même matière spirituelle. ».
© Histoire Singulière
Echapper à l’uniformité du son
« Reste à imaginer les sonorités rêvées par Beethoven », écrit Paloma Kouider en conclusion du texte de présentation de son enregistrement. Si elle a fait appel à un instrument moderne, son interprétation montre, par-delà l'engagement et la vitalité du propos, beaucoup d’attention et d’intelligence dans le travail du matériau sonore ; une volonté d’ « échapper à l’uniformité du son » que l’artiste reconnaît avoir eue à l’esprit et qui apporte une saveur et un relief particuliers à son approche. Chose qui n’est pas pour surprendre dans la mesure où elle joue régulièrement des instruments du XIXe et parfois même de la fin du XVIIIe siècle.
Ce sera d’ailleurs le cas le 21 juillet au Festival des Vallées Vertes, lors d’un récital où la pianiste reprendra à l’identique son programme Beethoven sur un Erard de 1843. Une perspective qui, d’évidence, la réjouit : « tout un pan des questionnements qui se posent à l’interprète (articulation, dynamique) se résout d’emblée très facilement sur un tel instrument. Il propose beaucoup plus ; il faut d’avantage composer avec lui. Les instruments modernes sont magnifiques, mais beaucoup plus standardisés. Je sens une présence de l’instrument plus forte avec un piano du XIXe siècle. »
Avec ses partenaires du Trio Karénine : Louis Rodde (à g.) & Julien Dieudegard (à dr.) © Béatrice Cruveiller
Récitals et musique de chambre
La veille, au Festival Cœur du Jura, elle aura eu affaire à un clavier d’un autre grand nom des heures glorieuses de la facture française, Gaveau, pour une soirée conçue autour de la Sonate en sol majeur D. 894 de Schubert, entourée de pages de Schumann, Schubert/Liszt et Schumann/Liszt. Deux rendez-vous inscrits dans le cours d’un été où la pianiste retrouvera par ailleurs ses partenaires de l’excellent Trio Karénine (Julien Dieudegard et Louis Rodde) dans des programmes marqués par la présence de l’Opus 99 de Schubert, du Trio n° 2 de Dvorak, de la Nuit transfigurée de Schoenberg dans la très belle transcription d’ Eduard Steuermann (2) et de Lied ohne Worte de Michael Jarrell.
Côté disque, l’actualité de Paloma Kouider est chambriste aussi puisque vient de sortir (chez Indésens) un hommage à Nadia Boulanger partagé avec la bassoniste Lola Descours et l’Octuor de France. Un programme extrêmement varié qui promet de faire les délices de amateurs de répertoire pour vents.(3)
Alain Cochard
(Entretien avec Paloma Kouider réalisé le 10 juillet 2024)
(1) "Ludwig versus Beethoven" / 1 CD BY Classique Label BY007
(2) Transcription pour trio dont les Karénine ont signé un très bel enregistrement chez Mirare
(3) indesenscalliope.com/boutique/hommage-a-nadia-boulanger/
Festival du Cœur du Jura
20 juillet 2024 – 20h
Arbois (39600) – Musée Sarret de Grozon
https://www.montagnes-du-jura.fr/sit/paloma-kouider
Festival des Vallées Vertes
21 juillet 2024 – 11h
Cubry (25680) – Eglise (Entrée libre)
www.lesconcertsdudoubs.com/
Site de Paloma Kouider : www.palomakouider.fr
Agenda du Trio Karénine : triokarenine.com/fr/concerts
Photo © Histoire Singulière
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