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Paris - Compte-rendu - Chatelet : Andris Nelsons – Naissance d’un chef
N'est pas chef qui veut, mais qui peut. Et il n'y a pas d'âge pour cela. Le jeune Russe Vladimir Jurowski n'avait pas 30 ans quand il a débuté à l'Opéra de Paris et pris la direction du Festival de Glyndebourne outre-Manche. Stéphane Denève n'avait même pas encore atteint cet âge-là quand Hugues Gall l'a propulsé sur le podium de l'Opéra Bastille pour des séries entières. Et Lionel Bringuier avait à peine dépassé les vingt printemps quand il a pris en mains l'Orchestre de Bretagne et est devenu l'assistant du grand Esa Pekka Salonen à Los Angeles ! C'est à une révélation du même ordre qu'a pu assister le public du Châtelet jeudi soir, avec les débuts à Paris d'Andris Nelsons (photo), un colosse letton de 30 ans, à la tête de l'Orchestre National de France.
L'événement était retransmis en direct sur France Musique. Car c'en fut un ! Ca n'est tout de même pas tous les jours qu'on voit quelqu'un jaillir sur l'estrade et s'y ébrouer tel un yearling avec délectation jusqu'à y laisser son noeud papillon prestement mis dans la poche droite du pantalon...Ce demi de mêlée de près de deux mètres avec un visage d'enfant s'immerge dans la musique. Mais sans la moindre passivité: il commande à tous de ses longs bras jetés vers les musiciens. Pour être plus près d'eux, il fléchit les genoux quand il ne saute pas sur l'estrade comme un cabri. La musique, c'est sa chose depuis qu'il fut trompettiste et baryton jusqu'à ce que l'immense Maris Jansons le découvre et en fasse son assistant: pas de meilleur patronage musical !
La soirée débute par la géniale mathématique lyrique de la Passacaille d'Anton Webern où le disciple d'Arnold Schoenberg parvient à la puissance et aux couleurs d'orchestre du Richard Strauss de Salomé, mais par d'autres moyens. On allait en juger après l'entracte. Mais avant, Andris Nelsons accompagne Bertrand Chamayou, David Bismuth et Edna Stern dans le Concerto pour trois pianos de Mozart. Chacun marche sur des oeufs comme Wolfgang écrivant ici pour trois élèves salzbourgeoises dont la comtesse Lodron, la propre soeur du trop fameux archevêque Colloredo qu'il considère de plus en plus en 1776 – il a juste 20 ans - comme son ennemi intime : bref, minimum syndical de tout côté...
C'est un tout autre orchestre qui joue Une vie de héros de Richard Strauss. Nous voilà partis du côté de Munich: les cuivres comme les cordes ont pris les couleurs tantôt rutilantes, tantôt automnales du Chevalier à la rose. L'énorme carcasse se démène en tous sens suivant son héros à la trace, éteignant le souffle des vents durant les soli arachnéens de Sarah Nemtanu : le violon solo du National nous a soufflés par sa maîtrise et sa constante musicalité. Dans cette pièce de haute virtuosité pour le chef comme pour l'orchestre, le jeune Letton nous a rappelé l'Allemand Christian Thielemann. Ca n'est pas un petit compliment, mais un grand espoir de le revoir bientôt en France dans une fosse d'opéra. Un chef est né.
Jacques Doucelin
Théâtre du Châtelet, 12 février 2009
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Photo : Latvian National Opera, LNO,
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