Journal
Paris - Compte-rendu - Idoménée à Garnier - Idamante
Rien n’a bougé dans cet Idomeneo où Luc Bondy s’est signalé par son absence : les chœurs en tempêtes sont les seuls éléments saillants d’une régie peu inspirée, comme réfugiée dans ce qui reste de seria ici.
Les airs tuent l’action, et pourtant Idomeneo, dramma per musica inspiré par l’Idomenée que Danchet écrivit pour Campra, fut un vrai projet de théâtre, avec ses souvenirs de la Tragédie Lyrique, son style mixte où justement le seria est sensiblement détourné de sa fonction pour faire place à une dramaturgie puissante. Plus encore, Mozart y convoque la scène jusque dans l’orchestre pris à Mannheim, fulgurant d’invention, de couleurs, un personnage en soi, et l’on sait à quel point l’œuvre fut portée à la scène dans une effervescence et avec des talents que Mozart ne retrouvera plus.
Il faudrait donc retrouver ce ton, cet imaginaire, cet art des contrastes et des péripéties dramatiques qui signent l’ouvrage plutôt que de le lire à minima en l’envisageant de notre théâtre moderne. Non que Luc Bondy trahisse Idomeneo, mais il n’en perçoit jamais les envers, les sources cachées qui en font toute la singularité. Le monstre n’est toujours pas mort, et la dramaturgie se concentre sur Idamante, solutions qui nous avaient parues possibles mais qui avec le temps se sont érodées.
Dommage, car musicalement la soirée avait des atouts : l’Ilia véhémente, volontairement inhabituelle de Camilla Tilling qui a enfin libéré sa voix trop menue lors de la création du spectacle, l’Idamante perdu, étreignant de Joyce DiDonato sont mieux que des personnages, des êtres, et singulièrement troublants ; l’on peut y ajouter l’Elettra de Mireille Delunsch qui fait oublier le désordre de sa voix par une composition clouante où derrière les ires de la princesse se révèle une femme et non une furie : admirable à condition de ne pas trop écouter.
Dire que Paul Groves possède le style et les moyens d’Idomeneo serait mentir : les aigus plafonnent, la voix se perd entre poitrine et tête, les vocalises sont à minima, oui, mais le roi s’incarne et le chant est vaillant. Bel Arbace de Johan Weigel, Prêtre ardent de Xavier Mas, parfaites crétoises, impeccables troyens (avec le clairon de Jason Bridges, décidément à suivre), tout cela fait un vrai plateau.
Dans la fosse Thomas Hengelbrock fait sonner l’orchestre baroque, enfin essaye… Il met beaucoup de vie que la scène lui retire, mais la vraie question reste la nécessité d’imiter. Il est temps que La Grande Boutique se dote d’une formation baroque, si elle veut retrouver une part importante de son répertoire et jouer Mozart comme il se doit. Ce à quoi répond en partie Nicolas Joël puisque dès la saison prochaine cet Idomeneo sera repris, avec dans la fosse Le Concert d’Astrée et sur le plateau une des réunions de stars dont Emmanuelle Haïm a le secret : Rolando Villazon et Anna Netrebko.
Jean-Charles Hoffelé
Wolfgang Amadeus Mozart, Idomeneo, Palais Garnier le 17 mars 2009
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Photo : Fred Toulet / Opéra national de Paris
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