Superbe idée de confronter l’âge d’or de la musique classique européenne au XVIIIe siècle avec la création contemporaine à la Cité de la Musique. Son directeur Laurent Bayle a su trouver de jeunes interprètes de grande qualité qui ont digéré tous les styles et naviguent avec bonheur entre l’esthétique des Lumières et le bel aujourd’hui.

Après l’excellent pianiste Alexandre Tharaud qui fit dialoguer Rameau avec Campo, Escaich, Montovani ou Pécou, le violoncelliste Jean-Guihen Queyras demanda à Ivan Fedele et à Gilbert Amy d’introduire chacun une Suite de Bach en préludant, dans son style propre, au Prélude de chaque Suite. L’Italien Fedele tend un Arc-en-ciel de trois minutes sans chercher à revenir en arrière. Le Français prend le risque payant de remonter le temps en cinq minutes. Après une introduction en pizzicati, à plein archet il affiche avec lyrisme le mi bémol majeur de la 4e Suite : pari gagné ! Chaque fois, le soliste enchaîne sans marquer d’arrêt avec ces méditations sublimes que sont les Suites pour violoncelle seul.

On reste confondu par l’assurance et l’originalité d’un artiste aussi jeune qui se promène littéralement dans ces labyrinthes de l’âme. Il ne les sollicite jamais, mais y trouve sans cesse de nouvelles nourritures dont il nous régale. Sans rupture – en tout cas volontaire et recherchée – sans souci ni de stricte observance baroque, ni de nouveauté à tout prix, Jean-Guihen Queyras avance en s’éclairant à la lumière de sa sensibilité propre et de son expérience de toute la musique issue de celle de Bach. Ce n’est pas la négation de la tradition, mais son exaltation au terme d’une remontée raisonnée à la source par une prise en compte de l’influence exercée, parfois inconsciemment, par ces chefs-d’œuvre immémoriaux. Une belle leçon par un jeune maître.

Cité de la Musique 12 mars 2006

Jacques Doucelin

Programme détaillé de la Cité de la musique

Photo : DR