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Paris - Compte-rendu - Le show Bartoli


En deux décennies, Cecilia Bartoli s'est hissée sur les sommets de la célébrité, ce qui lui a permis de troquer son prénom pour le simple article « La »... La Bartoli, voilà la consécration suprême ! Elle n'y est pas parvenue par les maisons d'opéra et grâce aux grandes héroïnes mythiques comme ses devancières La Callas avec la Tosca ou La Schwarzkopf avec la Maréchale. C'est d'abord par une politique discographique assise sur des tournées de concerts qu'elle a construit sa renommée internationale.

Qui se souvient encore de ses débuts dans Chérubin des Noces de Figaro de Mozart ? Nul n'a oublié, en revanche, ces soirées pyrotechniques truffées de ces airs de fureur qui mettent le public en transes et attirent l'oeil des medias. Plus qu'une cantatrice, il y a un phénomène Bartoli. Cette mutation transcende les genres et les publics. Or, qui dit phénomène n'a pas de prix pour des maisons de disques fascinées par le fameux cross over ... Le récital qu'elle vient de donner salle Pleyel avec le pianiste italien Sergio Ciomei ne fait pas exception.

Il s'inscrit en tout cas dans le droit fil de l'hommage qu'elle a rendu en mars dernier à La Malibran à l'occasion du 200e anniversaire de sa naissance à Paris. Son programme ne s'achevait-il pas, du reste, sur le racoleur Rataplan de La Malibran, compositrice à ses heures ? Cecilia Bartoli a également chanté des mélodies de la soeur de La Malibran, Pauline Viardot, et de leur père le fameux ténor Manuel Garcia. Auparavant, elle fit alterner des pièces de Rossini, de Donizetti et de Bellini vêtue d'une robe à traîne bleu nuit digne de son modèle du jour La Malibran. Seule fausse note: un collier quasiment fluo digne de la Tour Eiffel du Nouvel An... Il resta heureusement dans son écrin lorsque la diva réapparut après l'entracte avec la même robe, mais carmin!

Au sommet de son art et en pleine possession d'un instrument qu'elle a toujours pris un soin jaloux de ne pas fatiguer, La Bartoli fait songer à la fin de carrière de Pavarotti ou au virage « popu » négocié actuellement par un autre célèbre ténor Roberto Alagna. Mais eux ont payé leur obole au théâtre lyrique avant de sacrifier au cross over ! On a envie de tirer La Bartoli par la traîne pour lui dire: un peu plus d'opéra s'il vous plaît ! Les scènes internationales n'ont pas eu leur dû de cette voix aux inflexions sublimes et aux possibilités inouïes, même si elle se produit assez régulièrement, mais confidentiellement, à l'Opéra de Zurich avec des maîtres du baroque – Christie et Harnoncourt notamment. Il y a CD et DVD me direz-vous. Mais quand on est belle comme le jour, faut-il se contenter de la carrière monacale de Glenn Gould ?

La chansonnette napolitaine ne saurait, en effet, se comparer aux Lieder de Hugo Wolf ou de Richard Strauss dont les Schwarzkopf et autre Fischer-Dieskau nous ont longtemps régalés lors des récitals qui illuminèrent l'automne de leurs somptueuses carrières. On se prend à penser que le matériau offert par La Bartoli à ces pièces mineures écrites pour les salons parisiens de l'époque est un vrai gaspillage. Le risque étant devant certaine facilité de passer insensiblement du salon de la duchesse de Guermantes à celui de Mme Verdurin... Puisqu'elle aime tant la famille Garcia et Pauline Viardot en particulier, pourquoi La Bartoli ne chanterait-elle pas à l'Opéra L'Orphée de Gluck dans la version destinée par Berlioz à La Viardot ? Chiche !

Jacques Doucelin

Paris – Salle Pleyel, 20 décembre 2008

> Programme détaillé de la Salle Pleyel

> Interview vidéo de Cecilia Bartoli

> www.ceciliabartolionline.com

Photo : DR

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