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Paris - Compte-rendu - Le triomphe du chef Léonard Slatkin
On ne sait pourquoi, Leonard Slatkin ne jouit pas en France de la renommée qu’il mérite. Chacun de ses concerts, de ce coté ci de l’atlantique ou de l’autre, auquel nous avons eu le bonheur d’assister fut de bout en bout un pur plaisir de musique. Celui donné hier soir avec le Philharmonique de Radio-France ne fit pas exception à la règle, loin de là.
En prélude, le Signal de brume de Renaud Gagneux rassurait (si il en était encore besoin) sur la vitalité créative des compositeurs français. L’œuvre, un pur poème de musique descriptive (jusqu’à un vol de mouettes perçu à travers un nuage trouble, illustré par de saisissants glissendos des contrebasses, une image sonore d’une exactitude lyrique singulière), indique à quelle maîtrise de l’instrumentation est parvenu Renaud Gagneux. Ce songe triste, cette vision du monde de l’entre-deux du rivage, tint en haleine par la subtilité toute ravélienne de son écriture un public vite conquis.
Pour le vaste Concerto pour violon de Britten (trente cinq minutes), partagé entre rêverie et sarcasme, avec ses mètres complexes et sa partie soliste aussi virtuose qu’expressive, les appelés furent relativement nombreux, les élus très rares. Frank Peter Zimmerman su trouver l’équilibre délicat de cette longue partition où Britten a glissé tous les éléments signalétiques de son langage. La beauté naturelle de son Stradivarius ( le Parke, que Kreisler joua longtemps) trouvait tout naturellement à s’employer dans les vastes mélodies du Moderato initial, le mordant de son archet fit un Vivace diabolique, quand à la vaste Passacaille finale, elle exige une concentration extrême pour ne pas se déliter.
La direction à la pointe sèche de Slatkin laissa Zimmerman libre d’improviser des phrasés inventifs en les cernant d’une palette de nuances infinie. En bis, le violoniste fit un clin d’œil ébouriffant avec les variations démentes que Paganini improvisa sur God save the Queen, toutes plus impossibles à réaliser les unes que les autres. Il fallait voir cet archet en feu, ce jeu spiccato d’une exactitude renversante, cette panoplie de doubles cordes impeccables ordonnés par un sens de l’humour et une fantaisie funambulesque qui font de ce violoniste un des tous premiers virtuoses de son temps. Espérons qu’il gravera au disque le Concerto de Britten !
En seconde partie, Slatkin ébrouait ce qui demeure, numérotation oblige, la « Pastorale » de Dvorak, sa Sixième Symphonie. Il obtint du Philharmonique une souplesse en même temps qu’une cohérence rares, jouant d’une variété de nuances, d’accents, de phrasés qui laissaient éclater le bonheur d’une partition décidément enivrante lorsqu’elle est conduite avec une telle énergie et un tel sens poétique. Remarquable soirée qui laisse espérer que Slatkin reviendra vite pour d’autres concerts avec les formations symphoniques parisiennes.
Jean-Charles Hoffelé
Concert de Léonard Slatkin et de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 18 mars 2004.
Photo : DR
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