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Paris - Compte-rendu : L’Elixir d’amour à la Bastille, on en reprendra bien un peu
Voila, L’Elixir d’amour selon Pelly est toujours aussi frais, aussi heureux, aussi souriant. On ne s’en lassera probablement jamais, même si on rêverait d’ y entendre enfin des vrais chanteurs belcantistes pour incarner Adina et Nemorino. Le cas d’Heidi Grant Murphy illustre bien l’illusion qui pousse les sopranos légers mozartiens à se mesurer aux tessitures tendues et à l’écriture plus virtuose qu’il n’y paraît que Donizetti dévolu à Adina : la projection est insuffisante, le passage éprouvant, les couleurs vites tournées au chromo. Faut-il redire qu’à la Bastille, même sonorisée, cette voix ne fait pas plus illusion que la saison passée ?
Le public aura certainement adoré le Nemorino agitato molto de Charles Castronovo, à l’opposé du dadais lunatique campé par Paul Groves lors de la création du spectacle. Mais Donizetti eut-il goûté son ténor couvert, ses aigus sans lumière ? Le pauvre Donizetti qui pour la première de son Elisir à la Scala avait écopé d’un ténor …bègue ! l’inénarrable Giambattista Genero. On voudrait y entendre aujourd’hui un Florez, qui ferait d’ailleurs un dadais idéal. Malgré cette voix trop couverte, qui lui interdit toute émotion pour Una furtiva lagrima dont au contraire Groves faisait son miel même si lui non plus ne possédait pas le style requis, Castronovo campe un Nemorino décidément attachant, mais ce sont ses dons naturels d’acteur, que Pelly exploite jusqu’au vertige, qui le lui offrent. Naouri est toujours époustouflant vocalement en Belcore, et cabotine toujours trop dans son duo du « recrutement ». Reste Rinaldi, routier absolu, acteur roué, basse un peu sèche qui ne retrouve pas l’éclatante faconde et le buffo « abracadabrantesque » d’Ambrogio Maestri. Gianetta toujours aussi finaude de Zamojska, dont les deux compagnes sont encore plus à fond que la saison dernière (Ah ! leur « swing sur place » durant les noces, grand moment, ne le ratez pas).
Edward Gardner ferait bien de mettre des ailes à sa baguette qui a tendance à se plomber et devrait éclaircir un orchestre dont les basses ronflent trop : Donizetti écrit plus sur les pointes qu’il semble le penser. Réserves musicales, après tout l’Opéra de Paris devrait pouvoir nous offrir Alagna ou Florez, ou Villazon en Nemorino, et au moins Ciofi, sinon Netrebko, en Adina, question de standing international, ou débusquer des chanteurs moins connus mais plus dans le style de l’œuvre. Mais malgré cela, on reprendrait bien encore un peu de cet Elisir, qui restera probablement comme une des perles de l’ère Mortier.
Jean-Charles Hoffelé
L’Elisir d’amore de Donizetti, Opéra Bastille le 11 novembre, puis les 15, 17 et 19 novembre.
Le programme détaillé de l’Opéra Bastille
Photo : Eric Mahoudeau/Opéra de Paris
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