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Paris - Compte-rendu : L’heure espagnole de l’Orchestre de Paris

Ca aurait pu n’être qu’une espagnolade. Ce fut un feu d’artifice. Après un long séjour dans l’abime mystique wagnérien pour cause de Tétralogie au Châtelet, l’Orchestre de Paris retrouve les lumières de Mogador avec une joie aussi exubérante que communicative dans un programme entièrement ibérique. Outre que le travail sur le Ring a été un ciment d’une rare efficacité sur la cohésion de tous les pupitres, on a rarement vu les musiciens parisiens aussi heureux de jouer. Au point qu’il fallait prendre ce dernier verbe dans tous ses sens, y compris le plus ludique. Indépendamment de leur talent naturel et de leur désir évident de se saisir de cette musique, la présence à leur tête d’un maître authentique, Rafael Frühbeck de Burgos ( photo ci-dessus), ne saurait être mésestimée : le charisme passionné de ce très grand chef n’a d’égal que la précision de sa baguette dont le plus béotien des mélomanes saisit au premier coup l’utilité et la magie.


En lever de rideau à La Vie brève de Manuel de Falla, on entendit cinq des extraits les plus célèbres de la Suite espagnole d’Albeniz dans l’orchestration personnelle du chef d’orchestre : une explosion de lumière, de couleur et de rythme enlevée avec un chic qui éloigne toute facilité et toute vulgarité folklorique. Un vraie mise en bouche, ou plutôt en oreille qui transporte le public. La suite ne le décevra pas. Car si Radio France a été incapable de réunir un quatuor de chanteurs dignes de la Missa solemnis de Beethoven la semaine dernière au Théâtre des Champs-Elysées, la distribution fut ici au diapason du travail de l’orchestre et du chœur avec le maestro. La réussite fut telle qu’elle sembla transcender pour un soir les défauts acoustiques de la salle.


Impossible à l’oreille la plus vétilleuse de faire la différence entre les Français, la mezzo Marie-Ange Todorovitch et la basse Jérôme Varnier et leurs homologues hispaniques, la soprano Maria Rodriguez, Salud, et le ténor Vincente Ombuena, Paco. Seul le cantaor Pedro Sanz fut victime des saints de glace et parut plus enroué que de coutume. Irréprochable, en revanche, la prestation toute de grâce nerveuse et musicale de la danseuse flamenca Nuria Pomares. Solistes et tutti de l’orchestre surent donner vie à la fresque frémissante qui constitue le décor de ce trop bref opéra.

Jacques Doucelin

Mogador, 10 mai, 20 heures


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